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 Wissant : des origines à l’implantation chrétienne ( VIIe siècle )

 
 par Franck Dufossé
 
Les temps paléolithiques
Les territoires formant Wissant et son arrière pays sont habités bien avant que le village ne soit fondé. Les trouvailles archéologiques sont incontestables et témoignent d’une première occupation par des populations de chasseurs du Paléolithique (900 000 à 10 000 ans avant notre ère). La dune d’Aval, située actuellement au sud du village, a ainsi livré un ensemble d’objets frustres taillés dans le galet marin à savoir des nucléus[1], des galets aménagés et des pointes grossières.
Plusieurs autres gisements existent, tous dans la partie sud du communal wissantais. L’un des plus remarquables semble être celui situé aux abords de la villa le Typhonium, au lieu-dit la Motte des Croquets. Vers 1910, quatre haches dites acheuléennes ont ainsi été mises à jour. Elles remontent au Paléolithique inférieur. Il s’agit en fait de bifaces dont un est de très belle taille : 31 centimètres, pour un poids d’un kilo six cents grammes. Nommé La Wissantaise, il représente l’un des plus grands exemplaires connus en France, puisque dans les années 1990, seule une trentaine d’objets comparables a été répertoriée pour tout le pays. Bien que la situation stratigraphique de ces trois grands bifaces soit difficile à préciser, le gisement semble installé dans un lambeau de terrasse pléistocène. On peut lui rattacher la découverte dans les années 1960 d’un cinquième biface, à l’extrémité est du Typhonium.
 
Toutefois les vestiges paléolithiques les plus anciens et les plus importants sont des restes osseux mis à jour au XIXème siècle. Le matériel présente un état de fossilisation avancé pour des vestiges quaternaires ; il a été de plus brisé anciennement et roulé. Malgré tout, excepté un andouiller et deux bases de merrain qui évoquent un grand cerf, la cinquantaine de gros fragments récoltés appartiennent à de deux espèces : l’éléphant (elephas meridionalis) et l’hippopotame (hippopotamus major). Ils se trouvaient dans une masse énorme de graviers fluvio-marins, au niveau de la carrière du Fart, à proximité de la Motte au Vent. Ce site[2] était d’ailleurs un gisement majeur pour l’étude du quaternaire dans le nord de la France[3]. Notons que les restes fauniques ont été découverts un peu au-dessous de la côte 0. Ce niveau serait en rapport avec le début de la phase de transgression marine Günz-Mindel (environ 500 000 ans). La mer se serait alors élevée jusqu’à l’altitude de 13 mètres au moins.
 
L’ensemble de ces trouvailles archéologiques sur le communal témoigne ainsi de la richesse de Wissant dans le domaine du Paléolithique inférieur (dit aussi ancien) ou du début du Paléolithique moyen, soit la période 500 000-200 000 ans avant notre ère.
Au contraire, la dernière phase du Paléolithique, dite supérieure, n’a livré pour l’instant aucun vestige à Wissant. Il n’est rien d’étonnant en ce sens que le Paléolithique supérieur correspond au maximum de froid lors de la dernière glaciation. Du fait de ces conditions climatiques extrêmes, la France septentrionale a du être à peu près désertifiée. Les steppes froides recouvrent alors tout le pays. Ce n’est qu’à la toute fin du Paléolithique, lors de la période nommée tardiglaciaire, que les terres du nord connaissent une lente reconquête par l’homme. Le climat, en effet, se fait plus clément, oscillant progressivement vers le tempéré.
Pourquoi des populations paléolithiques ont-elles peuplé ce territoire qui forme aujourd’hui le pays wissantais ? On peut y voir deux raisons. En premier lieu, il est fort probable que les terres doivent être, en ces temps anciens, couvertes de forêts et de prairies boisées dans lesquelles vit le gibier : bovidés, cervidés, équidés et rhinocéros. De plus les talus crayeux, nombreux à Wissant, offrent de nombreux rognons de silex pouvant servir à la fabrication des outils.
 
 
 
Les temps mésolithiques
La période Mésolithique (approximativement 9000-4000 ans avant J.C.) marque également Wissant. Elle correspond à la transition entre l’époque des derniers grands chasseurs paléolithiques et celle des premiers agriculteurs. Les populations gardent les caractéristiques de vie de celles du Paléolithique : nomadisme, chasse, pêche et cueillette. Elles s’installent de préférence sur les sols sableux.
C’est durant cette période que le climat interglaciaire évolue progressivement vers l’actuel. La Manche se reconstitue alors peu à peu tandis que les forêts succèdent aux steppes. Les groupes humains restent toutefois assez peu nombreux. Wissant présente ainsi l’un des rares sites de la période pour tout le Boulonnais. En effet, au lieu-dit usine à chicorée, à la sortie du village vers Tardinghen, se trouve une station mésolithique homogène qui présente dans le labour plusieurs concentrations de matériel lithique : nucléus à lames, troncatures, encoches, micro-burins, grattoirs et pointes de flèches.
 
 
Les temps néolithiques
A partir du Ve millénaire avant notre ère, soit le commencement du Néolithique, l’ensemble du nord-est de la France entre dans une profonde phase de mutation économique qui se caractérise par la genèse de l’agriculture et de l’élevage : l’homme devient producteur de nourriture. L’habitat se transforme et se sédentarise[4], les techniques se diversifient[5]et les premiers défrichements ont lieu. Mais si les hommes néolithiques sont avant tout des cultivateurs et des éleveurs, ils ne pratiquent pas moins la chasse qui sert de nourriture d’appoint. Le gibier le plus fréquent est alors le cerf, le chevreuil, le sanglier, le bœuf sauvage et des oiseaux. La cueillette est de même très pratiquée.
Ces cultivateurs néolithiques de la France septentrionale ne semblent pas issus des derniers groupes du Mésolithique ; il est plus probable qu’ils viennent de l’Europe danubienne. Quoi qu’il en soit, ils ont laissé de nombreuses traces dans la région qu’ils peuplent aux IVème et IIIème millénaires avant notre ère.
Le pays wissantais semble être alors plus largement occupé que durant le Paléolithique. Les hauteurs, particulièrement, livrent de nombreux vestiges néolithiques : tranchets, grattoirs, haches polies, pics, petites flèches et cendres que l’on retrouve principalement à la Butte Carlin et au lieu-dit les Combles (hauteur qui surplombe le cimetière). Signalons que selon une légende encore connue de certains vieux Wissantais, la Butte renfermerait la dépouille d’un général anglais enterré debout sur son cheval.
Hache néolithique trouvée à Wissant au lieu-dit les Combles
 
Hache néolithique trouvée au lieu-dit les Combles
 
Plus proche de la mer, au lieu-dit la Motte au Vent (appelée également Motte du Vent), bon nombre de silex taillés ainsi que 5 nucléus, 2 percuteurs, une sorte de rabot, un couteau à dos naturel, 4 lames, une lamelle et une flèche tranchante a mis à jour entre 1958 et 1964, notamment lors de fouilles effectuées par Henri Mariette. Il est possible que cet outillage soit de nouveau utilisé par les Gaulois[6] lorsqu’ils occuperont à leur tour le site durant la période fin du Ier siècle avant J.C. – début du Ier siècle après J.C..
Par ailleurs, au nord de Wissant, les dunes des Wrimetz et d’Amont découvrent parfois, selon le jeu des vents, de la céramique à pâte très grossière, des silex taillés, des éclats et des lames dont certaines sont retouchées. Au XIXème siècle, dans une partie des dunes abritée des vents de nord-ouest, un large grattoir très bien retouché a également été trouvé. Durant ce même siècle, plus dans les terres, au lieu-dit Audessombres c’est-à-dire à proximité du hameau actuel de Sombres, a été recueillie une moitié de hache polie datée elle aussi du Néolithique.
 
Les dunes des Wrimetz à Wissant
Les dunes des Wrimetz
 
Intéressons maintenant à ce à quoi pouvait ressembler le pays wissantais d’alors, et plus précisément la plaine maritime de Wissant-Tardinghen. Celle-ci s’étend du Châtelet au débouché de l’Herlen ; elle est limitée à l’intérieur par les escarpements que sont la Motte au Vent, la Motte du Bourg ou encore La Violette, et déborde largement sur la plage actuelle, la ligne côtière étant plus en retrait.
L’origine même de la baie de Wissant peut être expliquée par la simple proximité de deux caps plus élevés, l’action abrasive de la mer ayant une influence érosive plus grande sur une côte basse que sur une côte élevée par l’évacuation plus rapide d’un volume de débris plus petit.
Aux tout débuts de l’Holocène (il y a environ 10 000 ans), la baie est protégée par un cordon de dunes ; à marée basse s’étend une grande plage sableuse. Puis, alors que le climat se réchauffe et que le niveau général des mers monte (transgression flandrienne), un banc de sable, évoluant par la suite en poulier, diminue paradoxalement une grande part de l’influence marine dans la dépression. L’apport des eaux pluviales et de ruissellement contribue à y développer une riche végétation qui va être à l’origine de la tourbe.
Sur le poulier, des dunes apparaissent et s’engraissent, permettant la formation d’une lagune. Avec la reprise de l’influence marine, cette lagune est plusieurs fois inondée selon un système de chenaux. Le changement horizontal de faciès des sédiments déposés à ce moment montre que le point de rupture du cordon littoral doit se situer dans la partie nord-est de la dépression.
Puis entre 6300 et 3800 ans avant J.-C. la transgression flandrienne prend progressivement fin, laissant dans le paysage des falaises mortes telles la Motte du Bourg ou encore la Motte au Vent ; le niveau marin est alors proche de l’actuel. C’est l’optimum climatique avec des températures de 1 à 2 °C supérieures à celles d’aujourd’hui.
Le climat étant plus humide, il se montre favorable à la fixation des dunes en rendant plus difficile le transport de sable par le vent. En effet les dunes se forment par sédimentation éolienne de fines particules minérales qui composent le sable : quartz, débris de coquillages, apportés par les courants marins. A marée basse le sable est repris par le vent, entraîné vers l’intérieur des terres. Il se dépose alors à la rencontre d’obstacles divers. Or ces dépôts sont facilités lors de climats humides parce qu’ils deviennent plus stables. On assiste progressivement à la mise en place d’un cordon dunaire.
Au site des deux Caps, cet appareil dunaire se constitue au niveau de la partie de la plage actuelle qui n’est découverte qu’aux basses marées. Sa position témoigne d’un niveau marin sensiblement différent de ce qu’il est aujourd’hui, le rivage s’avérant alors bien plus en retrait[7]. Le cordon isole de la mer une importante zone forestière, voire marécageuse, qui s’étendrait aujourd’hui du marais de Tardinghen jusqu’à l’estran de basse mer de la plage du Châtelet jusqu’à celle de Saint-Pô.
C’est dans cette probable configuration du littoral wissantais que naissent les bancs de tourbe. Il faut des conditions particulières pour qu’une forêt devienne une tourbière. Cela suppose tout d’abord une certaine humidité, d’où la présomption d’une présence de zones marécageuses. Ces eaux doivent ensuite se recouvrir d’une couche végétale qui va s’épaissir progressivement et donc s’enfoncer. Au fil des siècles la couche finit par occuper entièrement l’espace aquatique tout en continuant à baigner dans un milieu humide et riche en végétaux. Se transformant peu à peu en tourbe par la décomposition incomplète des végétaux, elle se compose de matériaux variés.
 
Vestiges d'une ancienne forêt sur la plage entre Wissant et Audinghen
Entre Gris-Nez et Wissant, vestiges de l’ancienne forêt
 
A Wissant, au large de la dune d’Amont jusqu’à Saint-Pô, on pouvait ainsi voir au début du XXème siècle des bancs de tourbe contenant des silex taillés et travaillés, des poteries grossières, des haches polies[8] mais également des ossements d’aurochs et des traces de sabots de bœuf ainsi que de grosses racines, des troncs renversés et même des glands et des noisettes. En effet, la tourbe étant un milieu réducteur, elle emprisonne et tend à fossiliser tout ce qui y tombe.
C’est notamment le cas pour les pollens. Les pollens des fleurs et des plantes, quoique ayant une vie active fragile, sont formés de parois structurales pratiquement indestructibles. Etant émis en grande quantité, un certain nombre finit emprisonné dans le marais et dans la tourbe naissante. Par leur étude, on peut dater les bancs de tourbe d’une manière assez fiable. Malgré tout, les spécialistes ne sont pas tous d’accord.
Selon Pierre Pinte, qui complète sa datation par analyse isotopique au carbone 14, les tourbières de Tardinghen qui ne sont découvertes qu’à marée basse auraient un âge compris entre 2750 et 1000 ans avant J.-C.[9]. Elles reposeraient sur une argile saumâtre grise[10] datée au carbone 14 de 2750 ans avant J.-C..
MM. Mortier et Boels avancent, pour leur part, une datation légèrement différente, elle aussi basée sur des analyses au carbone 14. Les échantillons ramenés de Tardinghen qu’ils ont étudié, auraient été formés entre 3800 et 800 ans avant notre ère.
Cette dernière datation semble plus exacte. En effet, certaines tourbières entre Wissant et Tardinghen ont livré des silex taillés remontant d’après les datations au carbone 14 au Néolithique moyen, donc entre 4200 et 3300 ans avant J.-C.. Ces objets appartiennent le plus souvent à des ateliers de débitage, c’est à dire à des lieux de fabrication d’outils.
De tels ateliers sont relativement fréquents au Néolithique moyen, période où l’outillage de silex se développe du fait même de la multiplication des défrichements. Ils plaident pour une occupation humaine de notre vaste zone forestière littorale dès le IVème millénaire avant notre ère, occupation assez dense, notamment dès la fin du Néolithique récent (à partir de 2570 ans avant J.-C.), puisqu’on y a découvert des poteries grossières et des haches polies en silex, toutes datées de cette période.
 Grattoir néolithique trouvé sur la plage de Wissant
Grattoir néolithique trouvé sur la plage du Châtelet
 
Prolongement de la main de l’homme, l’outillage en silex lui est essentiel. En effet, la vie quotidienne en ces temps reculés exige un outil dur que seule la pierre alors fournit ; les galets cassés naturellement présentent des bords tranchants que l’homme peut façonner à loisir. Cet outillage se compose le plus souvent de grattoirs, de couteaux à dos, de burins, de perçoirs, de pics et de tranchets. Outre les outils, une grande partie des vestiges préhistoriques découverts est constituée d’ossements animaux, principalement du bovidé et des cervidés. Cette faune, identique à l’actuelle, devait vraisemblablement servir de gibier, à moins d’être le produit d’élevages. Les ossements se trouvent en très grand nombre, d’après différentes observations faites dans les années 1993-1994. L’une d’elles, réalisée dans les tourbes situées sous la dune du Châtelet, a mis en évidence de nombreuses fosses contenant des silex taillés et des ossements animaux, datables de l’Age du Bronze (2000 à 750 ans avant J.-C.).
 
Dents de ruminants trouvés dans les tourbes littorales du Châtelet à Tardinghen 
Dents de ruminants trouvées dans les tourbes littorales du Châtelet
 
Olivier Lazzarotti, qui a étudié les tourbières de l’estran tardinghenois, a remarqué des formes caractéristiques au niveau des bancs. De petites alvéoles se signalent ainsi ; ce seraient des traces de pas de vaches. De grands chenaux se distinguent également. Ils sillonnent perpendiculairement ou obliquement les bancs de tourbe subboréale, et toujours de manière relativement rectiligne. Ils correspondraient à des chemins fréquemment empruntés par les troupeaux. Enfin, la tourbe présente par endroits des formes géométriques, qui pourraient être dues à une exploitation sporadique de la tourbe.
 
Cette forêt néolithique a également livré de nombreux ossements humains. Citons pour exemple l’extrait suivant, tiré du Répertoire de Dom Prévost : « M. Demont-Breton possède un crâne et des ossements humains trouvés dans l’argile sous la tourbe submergée de Wissant ». Un autre crâne trouvé sur l’estran entre Wissant et Tardinghen, est actuellement déposé au Musée Quentovic à Etaples.
 
Il convient de signaler en aparté la curieuse découverte réalisée en 1933 par Victor Lecouffe, membre de la Société préhistorique française. L’objet a été exhumé dans la carrière de graviers située à la sortie de Wissant vers Tardinghen[11]. Laissons maintenant la parole à son découvreur :
« La Préhistoire, cette science encore si fraîche de jeunesse, qui doit déjà à Wissant quantité de remarquables spécimens archéologiques qu’on peut admirer dans nos musées de France et tout particulièrement dans ceux de Calais et de Boulogne-sur-Mer, vient tout récemment encore, à la suite d’une trouvaille faite dans notre charmante station balnéaire, de s’enrichir d’une pièce extérieurement curieuse dénommée « pierre-figure », silex splendide travaillé par l’homme de l’époque néolithique et qui, par le fini de ses retouches et les lignes impeccables de ses formes, est de nature à apporter une contribution considérable à l’étude des premiers essais de sculpture de nos ancêtres.
Il s’agit d’une sorte d’éponge de pierre pesant sept kilos et qui présentait certainement, lorsqu’elle fut découverte par l’artiste primitif, la forme d’une tête humaine. Deux cavités profondes disposées de chaque côté d’une proéminence assez forte donnaient l’idée de deux yeux encadrant un nez. L’homme préhistorique était très observateur ainsi que le prouvent les fameuses découvertes faites dans les grottes de Dordogne ; il aimait reproduire tout ce qui frappait son imagination ou le remplissait de crainte. Quoi de plus naturel que devant une pierre à forme animale ou accusant une ressemblance quelconque facile à compléter, il se soit emparé de l’objet pour le transformer au gré de son caprice ou de sa conception.
Le « Masque Humain de Wissant » qui fait actuellement l’objet d’une étude approfondie de la part de savants préhistoriens, apporte à l’appui de cette théorie des arguments qu’il n’est plus possible de réfuter sans risquer de se faire taxer de parti-pris ; non seulement il comporte une face où les yeux ont été parfaitement dégagés par le burin ainsi que le nez majestueux, non seulement il possède une bouche entièrement dessinée, au point d’élection, par la main de l’artiste et un menton habillement retouché sur tout son pourtour ; mais il nous donne également, sur son revers, un profil humain merveilleux de réalité. On peut même dire que cette partie de la pièce est la plus finement travaillée, celle où le préhistorique a donné tout son effort de réalisation et qu’elle complète formidablement la conviction qui se dégage déjà si fortement du « Masque » lui-même.
Cette « pierre figure » la plus probante qui ait été trouvée jusqu’ici et qui fait le plus bel ornement de mes collections personnelles, comporte en outre au sommet, un petit trou parfaitement circulaire qui servait vraisemblablement à sa suspension.
J’ajoute encore que l’origine préhistorique de ce silex ne saurait être contestée car il a été trouvé à une dizaine de mètres de profondeur dans la carrière dite de « la Motte du Vent », carrière de gravier exploitée, le long de la route de Wissant à Tardinghen.
Nul doute que cette intéressante trouvaille qui prouve tout l’intérêt que présente, au point de vue archéologique, la station de Wissant et sa baie accueillante, n’apporte sa grande part de lumière à l’étude du passé, étude si captivante, si pleine de surprises et d’émotions, et qu’elle n’aide nos préhistoriens à soulever un peu plus le voile mystérieux qui recouvre encore les origines de notre humanité ».
 
 
Les temps protohistoriques
Les civilisations plus récentes, dites de la Protohistoire (IIème et Ier millénaires avant notre ère) ont laissé moins de traces dans le pays wissantais. Notons néanmoins qu’une hache, de forme atlantique et datable du Bronze moyen, aurait été trouvée en 1989, lors de travaux au confluent des routes de Wissant et d’Hervelinghen.
Par ailleurs, dans le nord du communal, deux haches en bronze ont été mises à jour dans les éboulis de la falaise entre Saint-Pô et Wissant. Toutes deux ont été datées du début du Bronze moyen, soit 1500-1400 avant J.C. La première a été ramassée en 1972 ; elle mesure 141 mm de largeur sur 70 mm de longueur et pèse 367, 7 grammes. La seconde a été découverte en 1982 ou 1983 ; elle mesure 140 mm de largeur sur 65 mm de longueur et pèse 295 grammes. Leur facture évoque les productions du sud-est de l’Angleterre. Les parentés de forme et de dimension sont très frappantes ; les renseignements recueillis n’excluent pas un lieu de trouvaille identique et par conséquent la présence d’un dépôt qui se serait dispersé au fil des ans.
Ces trouvailles pourraient par ailleurs être rattachées à des fondations de grès vert avec présence de charbons de bois, de coquillages, de fragments de poterie noire. En effet il existe sur le littoral, vers le hameau de Strouanne, une accumulation de coquilles[12], d’ossements fendus et de silex taillés, où se mêlent des témoins de combustion. Tous ces vestiges, auxquels peut être associée la découverte d’une autre hache à rebord du Bronze moyen, correspondent à un premier foyer de peuplement durable sur le littoral wissantais. En effet, nous verrons plus loin que ce peuplement se poursuit jusqu’au début du Vème siècle de notre ère.
 
Toutefois l’essentiel des vestiges protohistoriques se retrouvent une nouvelle fois au sud du bourg, d’une part à la Motte au Vent et à la hauteur d’Inghen, d’autre part dans les tourbières littorales de Wissant-Tardinghen.
A la Motte au Vent et à Inghen, des dépotoirs d’habitat avec du matériel céramique ont ainsi été découverts. De plus au niveau de la plage, au lieu-dit la dune du Châtelet, précisément à la Baraque Fricot, a été démontrée l’existence de nombreuses fosses contenant un grand nombre d’ossements animaux (bovidés, cervidés) et de silex taillés.
Par ailleurs, dans les tourbières littorales qui affleurent sur la plage bordée par la dune du Châtelet et que les marées découvrent plus ou moins, d’autres vestiges des civilisations protohistoriques ont été mis à jour. Il s’agit d’un matériel plus récent que celui de Saint-PôStrouanne (il date essentiellement de l’âge du Bronze final.), mais plus diversifié, avec des objets peu courants dans le nord de la France. L’on a ainsi découvert une pointe de lance, un rasoir et un ciseau. Ces trois objets, trouvés dans un espace restreint, devaient probablement constitués un dépôt, enfui vers 1200 ans avant J.C..
 
L’ensemble de ces trouvailles de matériel métallique atteste l’existence d’échanges commerciaux entre Wissant et des contrées plus lointaines puisque la région est totalement dépourvue de minerai de cuivre et d’étain.
Cette assertion se voit d’ailleurs confirmée par la découverte dans les bancs de tourbe littoraux, de 6 anneaux de bronze, datables de l’Hallstatt (VIème siècle avant notre ère). Provenant de Bavière, ils semblent avoir été enfuis en offrande, afin que leur(s) propriétaire(s) s’attire(nt) la clémence des flots durant la traversée de la Manche. Ces objets indiquent que le site des deux Caps est un lieu privilégié pour les voyageurs d’outre-Rhin désirant se rendre dans l’île de Bretagne.
 
 
L’implantation des Morins
Aux IIIème et IIème siècles avant notre ère, des mouvements de population dans tout le nord de la Gaule conduisent à l’installation sur la partie littorale de la région du peuple des Morins. Leur territoire se limite au nord par les cours de l’Aa et de la Lys, à l’est par celui de la Clarence et au sud par la Canche. Leur implantation en baie de Wissant peut être datée par la découverte d’une fibule[13] au type de Duchcov. Cet objet caractéristique, très rare dans la région, témoigne de la présence en pays wissantais de populations celtes dès la première moitié du IIIème siècleavant J.-C..
Peuple de marins mais également d’agriculteurs et de cultivateurs, les Morins vont largement occuper le territoire wissantais, vraisemblablement attirés par la mer et les différents ruisseaux qui y coulent. L’Herlen ou le ru des Nains ont alors un débit beaucoup plus important qu’aujourd’hui. Cette proximité de l’eau est véritablement un atout majeur tant pour l’alimentation des hommes et des animaux que pour l’exploitation d’autres ressources comme la tourbe.
Les différentes trouvailles archéologiques témoignent d’une implantation des Morins au niveau des foyers de peuplement nés sous l’âge du Bronze, c’est-à-dire d’une part au niveau de Saint-Pô-Strouanne, d’autre part sur les bancs de tourbe littoraux de Tardinghen. En effet la Tène finale y est bien représentée : outre des fibules, l’on a ramassé au moins quatre monnaies d’or[14] pour Tardinghen et un minimum de 5 pour Wissant (la plupart sont des productions morines des années 55 à 50 avant J.C.). L’une de ces monnaies est à situer, de par sa facture et son poids, parmi les imitations de Philippe II de Macédoine émises probablement à la fin du IIème siècle avant J.-C.. C’est manifestement la monnaie la plus ancienne du site des Deux Caps. « Il faut réaliser que chaque pièce constitue en elle-même un « trésor », un statère équivalant à une quarantaine de deniers gaulois et servant uniquement aux transactions importantes jusqu’aux premières décennies de notre ère » précise Pierre Leclercq.
Sachant que les Morins font partie de ces nations qui utilisent peu le numéraire, y compris dans leurs rapports avec l’étranger, la quantité d’or recueillie en pays wissantais est donc d’autant plus importante. Elle traduit une certaine richesse, qui ne peut être liée qu’au trafic transmanche.
La baie de Wissant, aux temps gaulois, est en effet un port. Tout d’abord un port de pêche, comme l’atteste un certain nombre de plombs de pêche et d’hameçons retrouvés en divers points des tourbières. Plus encore la baie est un port reliant Bretagne et continent, ce dont témoigne la découverte de deux potins du Kent[15]. Signalons à ce propos que l’un des embranchements de la Leulène, axe commercial très important au temps des Gaulois, véritable voie d’accès reliant le littoral à Thérouanne, la capitale des Morins, arrive justement à la baie de Wissant.
Ce port est associé à plusieurs foyers de peuplement. En effet, au niveau des tourbières, des tessons de poterie et des ossements d’animaux, essentiellement domestiques, ont été mis à jour en grand nombre. Certains étaient associés à des ossements humains.
 
Les Morins : plomb de pêche trouvé sur la plage entre Wissant et Tardinghen
Plomb de pêche morin, ramassé sur la plage entre Wissant et Tardinghen
 
La localisation même du site sur la plage actuelle indique que le rivage gaulois est alors beaucoup plus au large, avec un niveau marin inférieur d’au moins un mètre. De ce fait les « hausses du niveau marin ont certainement submergé, comme à Sangatte, des zones habitées anciennement et nous en dissimulent les témoignages archéologiques »précise Pierre Leclercq. Il est vrai que le secteur est soumis est à une élévation du niveau de la mer bien réelle, associée à une forte érosion marine. Certains vestiges se dégagent et sont rapidement détruits par la mer ; d’autres sont ensevelis.
Néanmoins une stratigraphie générale du site des tourbières peut-être dressée. La strate basse est constituée d’une argile datée au carbone 14 de 2750 avant J.-C.. Sur cette argile repose une formation tourbeuse épaisse de 60 centimètres, et datée d’entre 2750 et 1000 ans avant J.-C. selon Pierre Pinte. Cette tourbe serait surmontée d’une argile mêlée à du sable humifère en son sommet. Ce sable, contenant des vestiges archéologiques, serait d’âge gallo-romain. Il est couronné d’une tourbe de même âge[16] et contenant également des témoins d’occupation humaine[17].
La présence de vestiges gallo-romains dans la tourbe mais également dans le sable humifère suggère que les foyers de peuplement se sont installés dans une zone au départ sableuse. Vraisemblablement les bancs de tourbe néolithiques affleuraient-ils à proximité. Progressivement le secteur est devenu marécageux, ce dont plaide l’absence de racines et de troncs d’arbre dans la tourbe gallo-romaine.
 
 
Le site de la Motte au vent
La Motte au Vent présente également de nombreuses traces d’occupation antique attribuable à la période fin du Ier siècle avant J.C. – début du Ier siècle après J.C.. Ce site gaulois a été découvert par hasard en 1958. La butte est alors exploitée pour l’extraction de sable, de graviers et de cailloux. Un fossé est mis en évidence suite à l’avancée de la carrière mais il ne peut être étudié que très partiellement.
 
Wissant : le site très pittoresque du Phare et dans le fonds la défunte Motte-au-Vent
Dans le fond à droite, la défunte Motte-au-Vent
 
Quelques années plus tard, en 1964, un décapage au bulldozer de la partie supérieure du gisement, inutilisable pour l’exploitation, met à jour un autre fossé dirigé est-ouest et qui rejoint perpendiculairement celui précédemment cité. Grâce à l’autorisation de l’exploitant, le fossé peut être fouillé, notamment par Henri Mariette. La structure la plus importante du site est constituée de deux fossés perpendiculaires en forme de T. Larges chacun de 2 mètres et profonds de 1, 20 mètres environ, ils ont une dizaine de mètres de longueur au minimum. Leur orientation est remarquable en ce sens qu’elle correspond exactement aux points cardinaux.
En plus de ces deux fossés, la zone archéologique comprend une petite fosse de forme non précisée puisqu’elle a été examinée presque totalement éboulée. Enfin, à une quarantaine de mètres à l’est, une zone foncée a fourni quelques tessons de céramique mais elle n’a pu être étudiée.
Le matériel recueilli lors de ces fouilles et complété par des trouvailles plus récentes est très abondant. Il s’agit essentiellement de céramique qui se présente toujours sous forme de tessons, de fragments grands de 2 à 10 centimètres. Cette céramique est très variée, alliant une poterie fruste, archaïque, de tradition ancienne, et une céramique évoluée imitant la fabrication romaine. L’origine de cette poterie n’est pas facile à connaître. Cependant Henri Mariette estime que les pots communs ont une origine locale alors que les vases de technique élaborée seraient des produits importés d’ateliers spécialisés de la Gaule Belgique, voire de la vallée du Rhin.
Cette céramique s’accompagne de tuiles et d’objets métalliques : deux rasoirs en fer, deux anneaux en bronze et un fragment de fibule en bronze. Les ossements sont rares, l’acidité du terrain n’ayant pas permis leur conservation. Malgré tout on a pu identifier un os de bœuf (métacarpien) et 14 molaires de cette même espèce, 4 molaires de cheval, 12 molaires de porc (ou de sanglier) et 3 molaires de mouton. Ils indiquent une activité d’élevage au niveau de ce foyer qui semblerait être un habitat. Selon Henri Mariette, il s’agirait de deux constructions successives au moins, qui pourraient correspondre à chacun des fossés. Ces constructions seraient de longues cabanes partiellement enfouies dans le sol avec à leur sud-est une fosse à caractère funéraire[18]. Elles dateraient des débuts de l’ère chrétienne.
L’interprétation de ce foyer est très intéressante. Il existe de très nombreuses similitudes entre la céramique trouvée à la Motte au Vent et celles découvertes en Grande-Bretagne. Ces similitudes témoignent d’un contact évident entre les populations de la côte wissantaise et leurs voisins d’outre-Manche. Il est incontestable qu’à l’époque de la conquête de la Gaule (moitié du Ier siècle avant J. C.) la côte nord de la Morinie est le point de départ habituel de la traversée pour des voyageurs venant du continent par la vallée du Rhin et se rendant en l’île de Bretagne. Plusieurs mouillages étant utilisés par les voyageurs, il est probable que Wissant est l’un d’entre eux et que sur les collines comme la Motte au Vent, qui domine la petite baie, sont installés des postes d’observation.
Cette hypothèse est corroborée par la richesse et la variété du matériel découvert. Ils indiquent un courant de relations bien établies. Wissant apparaît comme une zone de transit sur les voies commerciales gauloises entre le continent et l’île de Bretagne.
 
 
La question de Portus Itius
C’est ce mouillage commercial gaulois que découvre César lorsqu’il entreprend la conquête des Gaules. Le conquérant romain désire soumettre les peuplades de l’île de Bretagne qui sont d’une aide précieuse aux Morins pour leur lutte contre l’envahisseur. A cette fin le proconsul va monter une première expédition en août -55, pour laquelle il va réunir 80 vaisseaux de transport, plusieurs galères et deux légions expéditionnaires, soit près de 10 200 hommes.
Cette expédition s’avérant un échec, César entreprendra l’année suivante une deuxième campagne. Six mois seront nécessaires pour construire et rassembler 800 bâtiments de guerre et de transport, pour accumuler les vivres et le bétail, pour recruter des alliés d’outre-Manche. Lors de cette expédition César emmènera 5 légions et 2000 cavaliers, soit environ 25 000 hommes.
Ces deux campagnes posent un grand problème pour l’histoire locale : quel mouillage César a t-il à deux reprises emprunté ? La seule source contemporaine de ces événements est très vague ; il s’agit de la Guerre des Gaules de Jules César lui-même. Si le proconsul ne donne pas le nom du mouillage utilisé pour sa première expédition, il est fort probable qu’il s’agit du même port que celui qui a servi lors de la deuxième campagne, c’est à dire Portus Itius (que César mentionne au Livre V, 5). Mais où se localise t-il donc ? Difficile de trancher.
Certains historiens, géographes et érudits locaux parmi lesquels MM. Cavrois, Ducange, De Saulcy, Vidal de la Blache, Wauters, Leduque ou encore Henry voient dans le Portus Itius de Jules César le mouillage de Wissant. Toutefois d’autres auteurs leur opposent Calais, Sangatte et surtout Boulogne. Cette dernière localisation a notamment été ardemment défendue au XIXème siècle par l’archiviste boulonnais Daniel Haigneré. Beaucoup d’historiens actuels le rejoignent. Mais qu’en est-il vraiment ?
S’il est impossible d’affirmer que Wissant est Portus Itius, il en est de même pour Boulogne. Malgré tout beaucoup d’auteurs ont tranché en faveur de Boulogne, en démontrant l’impossibilité de la localisation wissantaise. Et pourtant leurs propos, parfois partisans, se basent sur un certain nombre d’arguments qui, après une étude approfondie, apparaissent souvent erronés ou sans fondements.
 
 
 
Le port le plus proche et le plus commode
César envisage d’envahir l’île des Bretons pour assurer ses conquêtes en Gaule. A cette fin, il lance une enquête, d’une part pour savoir quels mouillages utilisent les marchands gaulois pour se rendre en Bretagne, d’autre part pour choisir lequel de ces havres conviendrait le mieux à ses projets d’invasion. L’auteur grec Strabon nous renseigne quelque peu : « Il y a quatre points sur le continent d’où s’effectue habituellement la traversée dans l’île de Bretagne, ce sont les bouches du Rhin, du Sequanas [la Seine], du Liger [la Loire] et du Garounas [la Garonne]. Toutefois, quand on part des provinces rhénanes, ce n’est pas aux bouches mêmes du Rhin qu’on s’embarque, mais sur la côte de Morinie[19] attenante au pays des Ménapes : c’est là, en effet, que se trouve Itium, ce port dont le divin César fit le rendez-vous de sa flotte, quand il fut pour passer en Bretagne ».
Qu’est-ce donc que Itium c’est-à-dire Portus Itius ? Il s’agit d’un port, d’un havre, d’un mouillage que le conquérant des Gaules choisit pour sa situation avantageuse : le trajet pour la Bretagne y est en effet plus court et plus commode que pour les autres mouillages du littoral des Morins. César l’affirme clairement dans sa Guerre des Gaules. Sa description de Portus Itius, écrit essentiel pour localiser le port, a souvent été utilisée contre Wissant et donc pour Boulogne.
Pourtant, en ce qui concerne la distance, le site wissantais convient parfaitement puisque notre village est beaucoup plus proche des côtes anglaises que ne l’est Boulogne.
Quant à la commodité du voyage, voilà un argument qui semble plus favorable à Boulogne qu’à Wissant. Les scientifiques ont ainsi démontré que pour arriver directement en Angleterre, il est plus aisé de partir de la cité boulonnaise que de l’anse wissantaise. Les courants et les vents marins facilitent le départ de Boulogne et handicapent celui de Wissant. Tout marin connaissant bien les eaux de la côte pourra en témoigner.
Cette assertion est donc incontestable, oui mais pour aujourd’hui. Rien ne prouve qu’il y a 2000 ans le jeu des vents et des courants était le même. Au contraire. Un élément essentiel du littoral boulonnais intervient dans la naissance et le sens des courants et des vents marins : le cap Gris Nez. Or, aux temps de César, le site des deux caps ne présente pas la même physionomie qu’actuellement : le pays est couvert de bois, la mer s’avère beaucoup plus en retrait et les deux caps pointent leurs extrémités respectives, selon les différentes estimations, au moins 500 mètres plus vers la mer[20]. De ce fait, avec un cap Gris Nez beaucoup plus avancé sur la mer et avec une mer d’un niveau inférieur d’au moins un mètre par rapport à celui actuel[21], il est fort probable qu’à l’époque de César les courants et les vents marins aient été différents de ceux d’aujourd’hui. La célébrité de Wissant au moyen âge en atteste d’ailleurs. En effet, du XIème au XIVème siècle, le havre wissantais est le plus fameux de notre côte ; beaucoup l’utilisent pour sa commodité et sa rapidité dans le trafic transmanche. La brièveté du voyage entre Angleterre et Wissant est alors telle que, selon un mémoire de 1650, les Wissantais « le jour de leur dédicasse, ont été plusieurs fois audit lieu de Douvres, prendre des viandes cuites à la façon d’Angleterre, qu’ils trouvoient encore assez chaudes pour les mettre sur la table dans Wissant, pour y festoyer leurs amis, et qu’ils n’apportoient nul artifice pour en conserver la chaleur que de les tenir couvertes ».
La baie de Wissant ne doit ainsi refléter que partiellement ce qu’elle était il y a 2000 ans. La question de commodité du voyage n’handicape donc en rien la localisation wissantaise pour Portus Itius.
 
 
Portus Itius, port militaire provisoire
On peut malgré tout s’interroger sur la question suivante : Pourquoi les Romains auraient-ils choisi Boulogne s’il ne s’agissait pas là du fameux Portus Itius ? Pourquoi auraient-ils désavoué l’illustre César alors qu’ils s’y référaient constamment et que chacun reconnaissait au conquérant des Gaules son grand art de la stratégie ? En admettant que Wissant est le site de Portus Itius,la réponse est simple.
César n’a pas créé Portus Itius ; il l’a trouvé existant et s’en est simplement servi, transformant le mouillage commercial en port militaire. Passées ses expéditions en Bretagne, le proconsul a quitté le pays pour d’autres conquêtes. Jamais il n’a fait de Portus Itius une place forte durable pour assurer la sécurité du littoral.
Ses successeurs immédiats et notamment Auguste n’ont pas ambitionné de mener une nouvelle campagne contre les Bretons. De ce fait, puisqu’il n’y avait pas à l’époque de flotte romaine permanente sur le littoral morin, Portus Itius a été rendu à son premier usage : un port de commerce.
Lorsque les autorités romaines ont projeté de créer une place fortifiée sur la côte, elles se sont rendues évidemment à Portus Itius. Mais elles n’y ont trouvé qu’un simple mouillage choisi par César parce que le trajet outre-Manche y était le plus court et non pour accueillir des fortifications. Leurs aspirations étaient en effet différentes de celles du conquérant des Gaules.
Portus Itius ne leur convenant pas, les Romains en peuple de fins stratèges ont porté leur choix sur le site de Boulogne, le seul à réunir les conditions suivantes : site en hauteur, à proximité de la mer, au pied d’une rivière importante qui s’enfonce dans un pays très boisé et qui possède un estuaire formant un port naturel.
Cette place forte porte le nom de Gésoriacum et est donc bâtie dans un but stratégique : il faut un point de résistance en cas de révolte terrestre ou d’attaque maritime. D’ailleurs quand cette place a t-elle été érigée ? Nullement sous le règne de César, mais bien plus tard, peut-être durant les années 12 à 9 avant J.C. (Florus II, 30, 26).
 
 
Portus Itius et Gesoriacum
Si Portus Itius est Boulogne pourquoi les Romains l’ont-ils appelé Gésoriacum et non Portus Itius ? Du temps du règne de César, Wissant n’est qu’un mouillage à côté duquel vivent pêcheurs, agriculteurs et commerçants. Il ne s’y développe aucune cité car l’arrière-pays immédiat est vraiment peu propice à une vie économique intense. Ce mouillage n’en est pas moins très fréquenté pour les échanges entre la vallée du Rhin et la Bretagne car le trajet transmanche y est court.
Le conquérant romain a très bien pu s’en servir pour ses projets d’invasion. Plutôt qu’utiliser son nom gaulois, il a préféré dans ses écrits appeler Portus Itius le mouillage wissantais, portus qui veut dire passage, mouillage, port, et itius de itio signifiant action d’aller. Cette appellation Portus Itius n’est connue d’ailleurs que par César et Strabon, un géographe grec du dernier siècle avant J.C. qui pour ses travaux a du se baser sur la Guerre des Gaules. Nulle mention par la suite de Portus Itius ce qui apparaît logique si l’on admet que seul César a utilisé ce mouillage. La célébrité soudaine de Portus Itius s’est évanouie avec le départ du conquérant.
Au contraire de César, ses successeurs ont cherché un point d’ancrage durable sur le littoral des Morins. Gesoriacum est née de cette volonté, devenant peu à peu une ville et un port. La cité s’impose de fait ; elle draine progressivement vers soi le commerce et la population littorale. Il n’a rien donc d’étonnant à ce que l’auteur Pomponius Mela, qui a composé son ouvrage en l’an 43 de notre ère, ne parle que d’un seul port de la Morinie : celui de Gesoriacum.
Lorsqu’en 39-40 Caligula vient sur nos côtes en vue d’une invasion en Bretagne, l’empereur trouve Gesoriacum, c’est à dire une place forte bien établie avec un port. Il va donc tout naturellement utiliser ce site et non Portus Itius, simple mouillage rendu par César à son usage commercial. Tous feraient et feront le même choix que Caligula.
 
Voies gauloises et voies romaines
On a opposé à la localisation wissantaise l’argument des voies romaines. Wissant ne peut pas être le site de Portus Itius car aucune voie romaine n’y mène. Cela est faux puisqu’il existe au moins une voie attestée d’époque gallo-romaine passant par Wissant : la Leulène, sur laquelle cette étude reviendra un peu plus tard.
Il est fondamental de ne pas oublier la vérité suivante : Portus Itius est un port gaulois, avant d’être romain. Les voies menant à ce port sont donc gauloises. Or le peuple morin ne possède bien évidemment pas de réseau de chaussées ayant l’Italie pour point de départ. Il est donc normal qu’il n’y ait pas de voie romaine menant au mouillage de César.
Le conquérant romain ne l’utilisera qu’à deux reprises, et plus jamais ses successeurs. L’usage ainsi temporaire de Portus Itius ne nécessitera logiquement pas la construction de tout un système de chaussées y menant. L’argument de l’absence de voies romaines menant à Wissant n’élimine donc en rien l’hypothèse de la localisation wissantaise pour le site de Portus Itius.
Au contraire, la remarquable étude des voies antiques du Boulonnais par A. Leduque apporte des arguments en faveur de la localisation du Portus à Wissant. Cet auteur souligne lui aussi que le fameux site d’embarquement de César pour la Bretagne est primitivement un port commercial gaulois « assurant le trafic le plus commode, parce que le plus direct entre la Grande-Bretagne et la Gaule, à une époque où la navigation offrait de multiples risques ». Il s’est donc intéressé aux voies celtes.
La stratégie classique de César, telle que nous la révèle Suétone, est de ne jamais emmener ses troupes par des routes semées d’embûches, sans avoir au préalable examiné la disposition des lieux. Or, la plus célèbre voie d’adduction terrienne de toute la région, et vraisemblablement la plus importante et la plus ancienne, néglige Boulogne pour se rendre en ligne droite d’Amiens au cap Gris-Nez. De l’autre côté la Leulène aboutit à proximité du cap Blanc-Nez. Au centre se trouve l’antique chemin dit du Colombier qui, rejoignant Zoteux, aboutit à Wissant. Et entre ces trois points passe ce que A. Leduque appelle la Voie Côtière, c’est-à-dire une route en bordure de littoral qui traverse tout le pays wissantais, en longeant les nombreux tumuli et mottes hérissés de Haringuezelle à Sangatte. De nos jours, cette Voie, connue dans le pays sous le nom de chemin vert ou encore chemin des Romains, relie notamment la Butte Carlin à Sombre. Nous nous trouvons donc en présence d’un réseau, probablement d’origine préhistorique, dont les aboutissements paraissent s’être effectués, à l’origine, à une certaine distance au large du rivage actuel. Depuis une vingtaine d’années et l’érosion accentuée de l’estran, les nombreuses trouvailles archéologiques sur la plage de Wissant-Tardinghen viennent confirmer les propos d’A. Leduque.
Celui-ci place Portus Itius « à proximité de la Voie de l’Océan, dans la crique formée par le rieu de Guiptum [le ruisseau du Châtelet], protégé des vents du nord-ouest par le Cap Gris-Nez, alors beaucoup plus proéminent ».
 
 
Portus Itius, anse ou port ?
Dernier argument opposé à Wissant : la baie des deux caps ne correspond qu’imparfaitement aux indications données par César. Pourquoi donc ? Si l’anse qui s’étend du cap Gris Nez au cap Blanc Nez est aujourd’hui sans aucune protection contre les coups de mer et contre les vents, rien ne prouve qu’il y a 2000 ans la situation était la même. Comme il a déjà été écrit plus haut, la mer était alors beaucoup plus en retrait qu’aujourd’hui et les deux caps pointaient leur extrémité plus au large. Ce sont autant d’éléments susceptibles de modifier les courants et les vents marins.
D’ailleurs si Wissant est sous les Morins un mouillage participant aux échanges commerciaux entre le continent et la Bretagne, c’est que les Gaulois n’étaient pas excessivement gênés par les vents et les courants.
Cependant, selon l’abbé Haigneré Portus Itius aurait été non pas une anse, ni même un simple mouillage mais un véritable port c’est à dire un enfoncement que la retraite du rivage forme dans les terres ; il est clos par la nature et les navires y séjournent à l’abri des vents. Selon l’ecclésiastique Wissant ne présente pas un tel site au contraire de Boulogne, c’est donc là qu’il faut chercher Portus Itius et non à Wissant.
Mais qu’est-ce que le site boulonnais ? Il s’agit de l’embouchure de la Liane, qui est beaucoup plus importante sous César qu’aujourd’hui. Un banc de sable forme en son cœur une île naturelle tandis le cap Alprech, beaucoup plus avancé sur la mer, protège le port d’une partie des vents. Ce site semble en effet correspondre aux indications de César.
Toutefois, même s’il rentre assez d’eau dans le port de Boulogne pour permettre la sortie instantanée de plusieurs centaines de bateaux, il est très difficile de disposer d’un grand nombre de vaisseaux dans un fleuve comme la Liane de manière à leur permettre de profiter rapidement du vent et de la marée. Or César va utiliser près de 800 bateaux de guerre et de transport pour sa deuxième campagne. Au contraire de Boulogne, une pareille manœuvre ne présente pas la même difficulté dans l’anse wissantaise, très spacieuse et dépourvue d’écueils.
 
En outre, si l’on tient vraiment à voir dans Portus Itius un véritable port naturel, Wissant peut l’être. Il existe au large du village, entre les caps Gris Nez et Blanc Nez, un long banc de sable appelé le Banc à Laine. Une carte d’époque témoigne qu’il encore très partiellement accessible au XVIIème siècle par marée basse durant les très fortes marées. De même, durant la première moitié du XXème siècle, ce banc de sable se découvrirait périodiquement au large. Selon le témoignage de vieux matelots qui l’appellent le Bac de l’Eine, on peut alors y voir par temps clair quelques phoques se reposer au soleil.
Il est tout à fait possible qu’aux temps de César le Banc à Laine ait été pour une grande partie au-dessus du niveau de la mer, une mer qui, faut-il le rappeler, était alors bien plus en retrait qu’aujourd’hui ou même qu’au XVIIème siècle. Le banc ainsi émergé aurait formé une île, faisant de l’anse wissantaise un port naturel.
 
 
Conclusion sur Portus Itius
En conclusion de cette longue étude sur le port qu’a utilisé César en Morinie,l’on peut dire que la localisation wissantaise pour Portus Itius reste tout à fait possible et valable. Les arguments que certains ont opposés à Wissant sont pour la plupart sans valeur. Un seul point pourrait poser quelques interrogations : aucune trace du passage des 11 000 hommes de la première expédition ni des 25 000 de la seconde n’a été retrouvée à Wissant. C’est vrai mais il faut préciser que cette trace n’a été découverte nulle part, et donc non plus à Boulogne. Ces vestiges doivent vraisemblablement se trouver maintenant sous la mer, Manche et Mer du Nord ayant gagné beaucoup sur les caps et sur les terres depuis deux mille ans.
Sans nouvelles découvertes archéologiques, on peut seulement affirmer à l’heure actuelle que Portus Itius se situe entre Equihen et Sangatte. Néanmoins Wissant, dans la même mesure que Boulogne, apparaît comme une des localisations les plus probables, sinon la plus probable.
 
 
Le site gallo-romain des tourbières littorales
La conquête romaine, loin de desservir l’occupation humaine du site des deux Caps, contribue au contraire, dans un premier temps, à son développement. L’étude des monnaies qui y ont été découvertes s’avère à ce titre particulièrement intéressante. La réduction en province de la Gaule chevelue en 50 avant J.-C. doit aboutir à l’arrêt de frappe de monnaie d’or ; c’est un moyen pour Rome de montrer sa domination, l’or étant symbole de l’indépendance et de la royauté. Malgré tout, les statères gaulois continuent à circuler car les marchands gaulois ont besoin d’or pour leurs échanges avec la proche Bretagne. A ces pièces d’or s’ajoutent des monnaies gauloises d’argent et plus encore de bronze ; au niveau des points de commerce elles compensent l’insuffisant approvisionnement en monnaies romaines.
Les découvertes des tourbières littorales de Tardinghen correspondent parfaitement à ce schéma. Plusieurs bronzes gaulois y ont été trouvés : deux, déjà évoqués plus tôt, ont pour origine le Kent, c’est à dire l’autre côté du Channel ; trois proviennent des Turons, peuple de la région de Tours ; une enfin a été frappée par les Sénons, tribu établie dans le bassin supérieur de l’Yonne en Bourgogne.
En ajoutant à toutes ces trouvailles celle d’une monnaie gauloise en argent d’origine picarde, une constatation s’impose : le site des deux Caps, et plus particulièrement la zone des tourbières littorales, se développe en tant que point de commerce su le littoral boulonnais aux débuts de la conquête romaine. A côté des populations de pêcheurs doivent être établis des négociants, qui pratiquent notamment le commerce avec leurs voisins bretons.
Néanmoins l’émergence de Boulogne-Gesoriacum en tant que port romain aux commencements de l’ère chrétienne drainera vers ce havre une bonne partie du trafic transmanche. Les effets de la pénétration romaine se limiteront alors essentiellement au territoire de Gesoriacum.
Malgré tout, le port wissantais, en tant que zone d’embarquement, continuera d’être modérément fréquenté durant une bonne partie de l’antiquité, en témoignent les quelques 400 fibules gallo-romaines qui ont été mises à jour en différents points de la plage actuelle. En effet, comme l’écrit A. Leduque, au départ de César « Portus Itius fut abandonné, ainsi que toute la fraction de la Voie de l’Océan qui y conduisait au-dessus de Boulogne-sur-Mer. La Leulène se trouva sans débouché bien établi, et Wissant s’organisa en tant que lieu propice à un courant commercial et surtout « voyageurs » entre la Germanie et la Grande-Bretagne ».
Les nombreuses trouvailles réalisées en différents secteurs des tourbières[22] témoignent d’une occupation dense et continue du site durant une grande partie de l’antiquité. L’on peut ainsi citer :
-une centaine de monnaies romaines
-une grande nombre de tessons de poterie : céramique commune, terra nigra, terra rubra, sigillée
-des nombreux ossements d’animaux, essentiellement domestiques
-des restes humains[23]
-de nombreuses fibules
-des briques
-des fragments de tuiles à rebords
-des meules
Parmi ces meules, l’une provient d’Allemagne puisqu’elle est en lave de Niedermendig. L’on peut se demander pourquoi utiliser un matériau venu de ci loin pour une simple meule. Il faut savoir que depuis la préhistoire jusqu’aux périodes les plus récentes, les meules de moulins ont joué un rôle fondamental dans le processus de fabrication de la farine et donc dans l’élaboration de l’aliment principal des populations européennes. Or les propriétés des pierres utilisées influaient à la fois sur la quantité et la qualité des farines obtenues.
Toutes ces récoltes attestent donc de l’existence certaine d’habitats gallo-romains sur la plage actuelle de Wissant-Tardinghen. A partir des Flaviens, le peuplement de la zone semble même augmenter progressivement, et ce, jusqu’à la fin du IIIème siècle.
 
 
Exemples de matériel découvert dans les tourbières littorales de Wissant-Tardinghen (tessons de poterie, briques, ossements…)
 
Signalons en aparté une découverte exceptionnelle faite sur la plage du Châtelet, celle d’éléments d’un navire gallo-romain. Il s’agit là de l’unique épave antique découverte dans la région et d’une des rares connues dans toute l’Europe septentrionale. D’architecture maritime, elle est datée d’entre le Ier et le IVème siècle après J.-C.. Il s’agirait soit d’un navire de guerre soit d’un bateau de pêche. A proximité de l’épave, l’on a découvert plusieurs fragments d’ancres en pierre et d’éléments provenant de meules. Les meules étaient fréquemment réemployées en contexte maritime pour servir de lest ou de pierres de mouillage aux bateaux.
 
 
Le secteur Saint-Pô-Strouanne
A Saint-Pô-Strouanne, l’occupation gauloise se poursuit également au Ier siècle, ce dont attestent les fibules. En cette zone, il semble exister plusieurs foyers de peuplement, posés au-dessus des falaises basses.
L’un de ces foyers se localise au sud de Strouanne. Il s’agit d’un petit cran, c’est-à-dire un passage creusé dans la craie, soit par un ruisseau, soit par la main de l’homme. A proximité de ce cran s’est installé un habitat gaulois, vraisemblablement une petite ferme. Au fil des siècles, le ruissellement a exhumé les vestiges de cet habitat tout en comblant peu à peu le petit cran d’un mélange de terre, de sable et d’argile. Dans cette marne s’est ainsi déposée tout un matériel témoignant de l’existence naguère de la ferme gauloise.
Le site a ainsi livré une centaine de tessons de poterie, essentiellement de la céramique gauloise commune. Une telle céramique a été retrouvée en différents points du pays wissantais, notamment dans les tourbières littorales et à la Motte au Vent.
Plusieurs dizaines d’ossements ont également été exhumés, provenant essentiellement d’animaux domestiques, ce qui témoigne d’une activité d’élevage. Par ailleurs, une mandibule de sanglier suggère qu’une chasse d’appoint devait être pratiquée[24].
 
Ossements découverts à Strouanne près de Wissant
Exemples d’ossements découverts à Strouanne sud
A l’instar du site de la Motte au Vent, de nombreux silex taillés ont été découverts à Strouanne sud ; à côté de banals fragments se trouvent plusieurs outils : grattoirs, racloirs, perçoirs et quelques possibles lames. On pourrait s’étonner de trouver de nombreux silex taillés sur un site gaulois. Mais la rareté du métal à l’époque explique le large recours aux silex. Ceux-ci étaient principalement employés pour l’outillage commun.
 
Fibule type pseudo-La Tène II,  issue du site de Strouanne-sud
 
 
 
Petite bague en bronze, issue du même site (diamètre : 1,9 cm)
 
Le métal était néanmoins en usage au sein de la ferme. Les sondages ont en effet permis la découverte de deux fibules et d’une petite bague, toutes en bronze, et de plusieurs objets en fer : fragment de crochet, anneau double, clou à tête plate, soie de préhension. Ceux-ci attestent de l’existence d’une forge domestique au niveau de la ferme. Elle devait être destinée à la réparation des outils et à la fabrication ponctuelle de petits éléments.
Enfin, un fragment de calotte crânienne et plusieurs dents plaident pour l’existence d’une zone funéraire à proximité de l’habitat.
Tous ces vestiges, notamment les tessons et les fibules, laissent à penser que le site aurait été occupé aux environs des débuts de l’ère chrétienne, ce qui le rendrait contemporain du gisement de la Motte au Vent.
 
Peu de monnaies ont été découvertes dans l’ensemble des foyers de Saint-Pô-Strouanne, car, comme pour la zone de peuplement des tourbières, la base des échanges quotidiens au Ier siècle après J.-C. reste le troc ; les transactions se font sans l’intermédiaire de la monnaie. A l’instar de l’ensemble de la baie, la romanisation semble tardive (sous les Flaviens[25]). Les monnaies romaines n’apparaissent ainsi vraiment qu’à partir des années 160 et progressent alors dans les usages.
 
Un autre site, que l’on peut voir comme une extension géographique de la zone de peuplement de Saint-Pô-Strouanne, a particulièrement intéressé les archéologues du fait des trouvailles en monnaies romaines qui y ont été faites. Il s’agit de la dune des Wrimetz -dune d’Amont, et plus largement la zone dunaire entre le ru d’Herlen et la Mine d’Or. De nombreuses monnaies ont ainsi été ramassées à certaines périodes, lorsque les vagues attaquaient alors ce point du rivage. Ce site pourrait être de fondation protohistorique, Dom René Prévost signalant la découverte, probablement au XIXème siècle, de nombreux débris de poterie préromaine, de pâte très grossière, remplis de petits coquillages brisés ou de grains de quartz, aux deux tiers de la dune d’Amont.
Une étude menée par la revue archéologique Septentrion conclut que sous les sables au nord de Wissant peut se trouver une zone d’habitation gallo-romaine : « Le site serait analogue à celui de Sangatte où les constructions d’époque romaine se trouvent sous le sable de la plage ». Cette hypothèse est corroborée par la découverte dans la même zone de tessons de céramique datés du premier siècle de notre ère.
 
 
Les autres sites gallo-romains
Pour sa part la Motte au Vent ne semble pas présenter d’implantation humaine durable. Selon Henri Mariette, le site n’a été occupé que pendant quelques dizaines d’années, c’est à dire, au grand maximum, jusqu’à la première moitié du Ier après J.C..
Toutefois il est nécessaire de préciser que la Motte au Vent appartient à une ancienne zone d’exploitation de carrière. Si notre site archéologique a pu être découvert, c’est le fruit du hasard. Dans ces conditions, il est hautement probable que d’autres témoins d’une implantation gallo-romaine plus durable ont dû disparaître sans laisser de trace lors de l’exploitation de cette carrière. C’est d’ailleurs ce que suggèrent des découvertes postérieures.
 
 
La Motte au Vent apparaît en arrière-plan
 
C’est ainsi qu’en 1972, lors de travaux de voirie sur la face nord de la butte, a été mis à jour le matériel suivant : tuiles brisées épaisses à rebord, tessons de céramique commune grise et noire, fragments de sigillée et une partie de mortier. Ils semblent indiquer l’existence, sur cette face de la Motte au Vent, d’un habitat gaulois puis gallo-romain.
A partir de 1972 également, l’extension vers le nord-ouest de la carrière située au pied de la butte, a découvert d’autres vestiges mobiliers gallo-romains : fragments de poterie grossière indigène, vaisselle brisée, tessons de vases légers et sigillée. Ces derniers tessons, par les décors qu’ils portaient, laissent penser à de la céramique du IIème siècle.
Peut-on voir dans ces différentes trouvailles une extension ou un déplacement de l’habitat fouillé par le docteur Mariette ? Au contraire, s’agit-il de structures totalement indépendantes ? Il est difficile de trancher. Les seuls éléments archéologiques dont nous disposons permettent simplement d’affirmer que l’ensemble de la Motte au Vent a été occupée par des populations gallo-romaines au moins jusqu’au IIIème siècle. Nous ne pourrons, vraisemblablement, jamais en savoir plus, les travaux d’extraction ayant détruit la quasi-totalité de la motte, et la carrière elle-même ayant cédé la place à un lac.
 
A l’ensemble des habitations mises à jour à la Motte au Vent vient néanmoins s’ajouter un certain nombre de trouvailles gauloises ou gallo-romaines.
Au sud de l’ancienne carrière, sur le sommet d’une paroi abrupte, des tessons de sigillée ont été exhumés dans de la terre sablonneuse humifère. A 150 mètres plus au sud, de mêmes déblais recelaient de la céramique commune grise avec une marque de potier qui permet ainsi de dater l’ensemble de l’époque Claude-Domitien, c’est à dire entre 41 et 96 après J.-C..
Par ailleurs, vers Inghen, au lieu-dit le Fart, deux sites détruits ont été mis à jour. Le premier se situait à 300 mètres au sud du sommet de la Motte au Vent. De nombreux fragments d’une céramique épaisse, provenant de grands récipients et de vases tonnelets y ont été ramassés. Ils permettent de dater l’occupation du Ier siècle de l’ère chrétienne. Le second site, plus intéressant, se situe à 300 mètres au sud du précédent, dans le petit ravin descendant des hauteurs du Fart. Il a livré les vestiges suivants :
_ tessons de céramique
_ restes osseux
_ charbons de bois
_ silex brûlés
_ terre rougie par le feu associé
Il s’agit probablement d’un dépotoir d’un habitat proche détruit. Selon Auguste Lefèvre, ces « quelques restes confirment la présence et l’extension d’habitats gaulois jadis établis sur les hauteurs dominant le ruisseau du Fart. Une céramique de la fin de l’âge de fer, comparable à celle qu’a découverte et étudiée le Dr. H. Mariette sur le site de la Motte au Vent, y était utilisée ».
Ces découvertes peuvent être associées au produit des prospections de J.-P. Delpierre réalisées « vers la fermes d’Inghen ». Celui-ci a en effet mis à jour de la céramique commune, de la sigillée, des tuiles, des perles en verre et des fragments de cruche. Tous ces vestiges seraient d’âge gallo-romain.
 
Il est enfin à signaler les trouvailles du Typhonium, principale hauteur du sud wissantais, à quelques encablures de la défunte Motte au Vent. Contemporain de l’habitat le plus tardif de cette motte, le site du Typhonium constitue peut-être sa nécropole.
En 1859, des sépultures y ont été ainsi découvertes par hasard. Suite à de telles trouvailles, renouvelées en 1861, « M. Louis Cousin avait vivement désiré y faire des fouilles régulières ; mais le propriétaire s’y est absolument refusé, espérant trouver un trésor dans cet emplacement, et voulant, comme il est juste, le garder pour lui seul. Aussi, le docte antiquaire boulonnais dut-il se borner à faire quelques explorations dans le voisinage » nous apprend Daniel Haigneré. Malgré tout, les fouilles de L. Cousin ont mis à jour des vases gris, deux monnaies, une fibule, des fragments de cuivre, des os calcinés et plusieurs assiettes dont une est recouverte par quatre pierres plates. Ces vestiges correspondent à un cimetière à incinération qui a été en usage durant la seconde moitié du IIIème siècle.
 
 
Les transformations du IIIème siècle et la villa gallo-romaine de Basse Sombre
Certains auteurs voient dans les zones de peuplement littorales du Site des deux caps un vicus, c’est à dire « une agglomération d’habitations plus ou moins dense née d’une nécessité d’ordre géographique ou économique ». En effet, l’occupation humaine dans le pays wissantais se présente sous la forme d’un ensemble de bourgs maritimes et/ou ruraux, dont certains ont une activité économique importante, à l’instar des la zone des tourbières littorales.
 
Si les vestiges romains abondent donc sur le territoire wissantais, la plupart se localisent sur le littoral et sont d’origine protohistorique. Au contraire, le site que nous allons présenter est de fondation romaine ; il se situe à environ un kilomètre du rivage, à proximité du Fort César, au lieu-dit actuel Basse Sombre. Il s’agit d’une villa rurale d’une certaine importance, probablement une exploitation agricole. Son occupation débute vers 140.
 
Denier de Trajan trouvé à Wissant
Denier de Trajan trouvé à Basse-Sombre (Rome 114-117)
 
Son implantation en arrière du littoral peut se justifier par la proximité d’une voie romaine, la Leulène, qui est l’embranchement Guînes-Wissant se détachant de la route principale de Thérouanne à Sangatte. Par ailleurs la Voie Côtière, déjà en usage sous les Morins, et traversant tout le pays wissantais, se trouve également non loin de la villa. Il est même possible qu’un diverticule reliait la villa à cette voie. En effet, l’on a découvert en 1855 « une sorte de chaussée faite en tuiles posées », dans la prairie la plus proche du petit ruisseau (Source du Pont Charnier) qui traverse la route, près du cimetière.
 
Signalons en aparté que sur la Leulène, qui correspond à l’actuelle route départementale 244 joignant Wissant à Saint-Inglevert, a été mis à jour à la hauteur de la portion Sombres-Hervelinghen un tombeau formé de 6 pierres plates renfermant une urne noire pleine de cendres et couverte d’une assiette rouge. A 40 mètres de là, dans le talus, une autre tombe a été découverte. Ces deux tombes à incinération gallo-romaines, datées de la première moitié du IIIème siècle après J.C., semblent avoir été accompagnées d’un matériel composé d’urnes noires, d’un vase, d’un plat en sigillée et de monnaies.
 
Ces différentes trouvailles témoignent donc d’une large occupation de Wissant, jusqu’à la moitié du IIIème siècle. En effet, à partir du milieu de ce siècle, deux événements viennent perturber la région.
Premièrement les côtes connaissent une élévation sensible du niveau de la mer, appelée transgression dunkerquienne. Les rivières voient leur niveau de base relevé, tandis que les fonds de vallée, noyés sous les alluvions, deviennent marécageux. La population est ainsi obligée de remonter sur les pentes, désertant certains sites. C’est vraisemblablement le cas de la zone d’occupation qui correspond aujourd’hui aux tourbes littorales entre Wissant et Tardinghen. Les différentes trouvailles effectuées sur les lieux témoignent en effet d’un amenuisement de la population du site à partir de la fin du IIIème siècle.
 
Parallèlement à cette élévation du niveau marin, les enfouissements de trésors se multiplient, notamment à partir de 253. Ils traduisent avant tout l’insécurité ambiante régnant alors dans le nord de la Gaule. Les populations souffrent des incursions des Francs et des Saxons sur les côtes, du passage des troupes romaines ou encore du brigandage dans les campagnes. Dans les années 250 le littoral est principalement ravagé par la piraterie qu’exercent les Chauques et les Saxons à bord de leurs embarcations légères et rapides[26].
Les Francs attaquent à leur tour autour de 259-260. Leurs incursions doublées de celles des Saxons sont particulièrement fréquentes entre 260 et 271. Elles sont ainsi responsables de l’enfouissement d’un certain nombre de trésors dans la région, comme Ardres qui a livré quatre trésors se terminant tous par des monnaies à l’effigie de l’empereur Postume (260-269).
La villa gallo-romaine de Basse Sombre a livré elle aussi un trésor[27]. Constitué des 479 antoniniens, il pourrait avoir été enfoui durant le troisième quart du IIIème siècle (mi 268), les dernières monnaies le constituant datant là aussi du règne de Postume. Elles représentent d’ailleurs la grande majorité du trésor : 304 des 479 antoniniens. Les monnaies étaient à l’origine contenues dans un vase en terre grise à couverture noire, de production régionale. Certaines, provenant d’ateliers lointains comme Antioche (en Turquie) et Viminiacum (dans les Balkans), laissent à penser que la villa est orienté, au moins en partie, sur le commerce. Il apparaît tout au moins que Wissant est au contact de zones d’échange. Depuis le temps des Morins, il semble donc qu’il y ait eu une certaine continuité au niveau des activités du pôle wissantais.
Outre l’enfouissement du trésor, un autre fait plaide pour un raid barbare dans le pays wissantais : la destruction de la villa de Basse-Sombre. Il apparaît en effet que les bâtiments de la villa ont été incendiés puis reconstruits plus loin. Toutefois il n’y a pas d’interruption apparente de l’occupation.
 
Pour autant, en 275-276, la région est ravagée par la grande invasion des Francs et des Alamans : les villes sont incendiées, les villas ruinées et les campagnes désertées ; la restauration sera lente, et ce d’autant plus que la piraterie se maintient sur les côtes. Il faut attendre la fin du siècle pour que le littoral commence à se sécuriser. En effet les autorités romaines mettent en place un dispositif militaire appelé Litus Saxonicum qui s’étend de la Bretagne à l’Escaut. Ce système a pour but de protéger les côtes des raids de pirates. Il s’agit d’un ensemble de places fortes placées en différents points du litus romain de la Manche et de la Mer du Nord. La Motte du Bourg, dont le toponyme dérive peut-être de burgus, pourrait faire partie de cet ensemble et se présenter ainsi comme une base défensive du littoral wissantais.
 
Denier d'Alexandre Sévère trouvé à Wissant
Denier d’Alexandre-Sévère trouvé à proximité du mont d’Averloot (Rome 223)
 
Ce littoral semble sécurisé au début du IVème siècle. En effet, l’on a constaté dans la zone de peuplement de Strouanne-Saint-Pô une chute de la présence humaine, vers 275, et que l’on peut imputer aux incursions barbares. Or l’occupation reprend dans la première moitié du IVème siècle, sans toutefois atteindre celle du IIIème siècle.
 
L’on s’aperçoit ainsi que les zones de peuplement littorales du site des deux Caps connaissent une diminution de leur population à partir de la fin du IIIème siècle, baisse que l’on peut imputer à l’insécurité régnant sur la bordure côtière (incursions barbares et transgression dunkerquienne). Au contraire l’on constate une augmentation de l’occupation pour la villa de Basse-Sombre, celle-ci plafonnant même à un niveau relativement élevé pendant la seconde moitié du IVème siècle. Il semblerait que la villa ait drainé vers soi une partie de la population des sites littoraux.
 
 
L’implantation des populations germaniques
Le nord de la Gaule connaît durant le IVème siècle une implantation de plus en plus importante de populations germaniques. Les Francs du Nord (ou Saliens) sont ainsi installés en Cambrésis en échange de leur soumission à l’autorité romaine. Ils restent ainsi fidèles à l’Empereur lors de l’invasion massive de 406 qui ravage la région.
Mais devant l’effondrement de cette autorité et la faiblesse de la présence romaine au nord de la Loire, une tribu des Francs Saliens, celle de Mérowig (ou Mérovée), de Childéric Ier et de Clovis Ier s’émancipe ; elle augmente son territoire du Haut Escaut vers l’Oise et peut être aussi le long de la Scarpe. Le royaume des Francs se constitue peu à peu.
A partir de 455, franchissant le détroit de la Manche, Angles, Saxons, Jutes et Frisons s’installent en Angleterre après avoir attaqué les Bretons. Ils créent ainsi une vaste zone maritime d’échanges. Voyant le royaume franc apparaître, les Saxons arrivés de Bretagne envahissent alors nos côtes, peu habitées ; on place en général leur implantation dans le Boulonnais entre 455 et 600. Leur installation est attestée par l’abondance des noms en -thun (Fréthun, Landrethun, Baincthun, Verlincthun, …) dans une zone littorale entre Calais et le sud de Boulogne. Selon Auguste Mariette, les Saxons auraient fondé Wissant vers la fin du VIème siècle. C’est également l’opinion d’Eric Vanneufville, qui dans sa thèse de doctorat, considère Wissant comme anglo-saxonne.
 
 
Wissant à l’époque mérovingienne
En 476, l’empire romain, héritier des guerres et des conquêtes de Jules César, disparaît d’Occident sous les invasions barbares. Le nord de la Gaule tombe peu à peu sous la domination des Francs, appelés à l’avènement de Clovis Ier les Mérovingiens. Toutefois le Boulonnais reste pour sa part un pays d’occupation anglo-saxonne.
Les vestiges mérovingiens découverts à Wissant attestent d’une continuité de l’occupation entre l’époque romaine tardive et l’époque mérovingienne.
Ainsi l’occupation de la zone de peuplement des dunes des Wrimetz et d’Amont se poursuit jusqu’au début du Vème siècle. Au cours de ce siècle, le site est abandonné, ce dont témoigne l’étude des monnaies qui y ont été découvertes. La plus récente date en effet du règne de Constance II (323-337)[28]. Néanmoins, il nous faut signaler la découverte récente d’un sceat[29] sur le terrain de la Mine d’Or, c’est à dire en arrière de la dune d’Amont. Cette monnaie est une production continentale, probablement de Dorestad, peut-être de Quentovic. Datée de la période 695-740, elle suggère un possible déplacement de la zone de peuplement de la dune d’Amont en arrière du cordon dunaire.
L’abandon et/ou le déplacement du site semblent contemporains des grandes invasions barbares, mais également de la transgression dunkerquienne II. Il apparaît en effet qu’à l’époque mérovingienne naissante, le littoral de la baie de Wissant est peu sûr, ce dont témoigne également le site des tourbières.
Wissant la bouche du ruisseau et la dune 
En arrière plan, au pied des dunes se découvraient alors les vestiges du site gallo-romain
 
Au niveau de cette vaste zone de peuplement, les différentes trouvailles prolongent également l’occupation jusqu’à l’époque mérovingienne. En témoignent les fibules et l’ardillon de boucle découverts dans les tourbes et datant de cette période. Néanmoins le site est probablement abandonné durant le VIème siècle, un abandon attribuable à la transgression dunkerquienne II. Par le jeu combiné de l’érosion éolienne et de tempêtes violentes, les cordons dunaires se rompent et la mer pénètre jusqu’au niveau du marais de Tardinghen actuel ; il est ennoyé. Cet envahissement marin est attesté par l’étude des sédiments déposés dans le dit marais. Il apparaît ainsi qu’au-dessus des couches de tourbe se trouvent de fins dépôts marins. La transgression dunkerquienne, datée comme nous l’avons vu précédemment d’entre le IIIème et le VIIIème siècles, a de nombreuses conséquences sur notre région : les rivières relèvent leur niveau de base, les fonds de vallée sont noyés sous les alluvions et deviennent marécageux, ce qui obligent les populations à remonter sur les pentes. Bon nombre de sites sont alors désertés ; d’autres sont ensevelis par les eaux : Sangatte et Calais baignent ainsi sous une mer qui se présente jusqu’aux murs de Saint-Omer.
 
Située à l’intérieure des terres, la villa de Basse-Sombre n’est évidemment pas menacée par la transgression. D’ailleurs les différentes trouvailles de monnaies, de fibules et de poterie, notamment des tessons de céramique biconique à décor d’ondes quadrillées, attestent que l’occupation se poursuit aux temps mérovingiens. Signalons ainsi la mise à jour de deux fibules, l’une fibule chenille mérovingienne à décor d’ocelles datée d’entre le milieu VIIème et la fin du VIIIème siècles, l’autre fibule mérovingienne à décor géométrique datée de la période fin VIIème fin du VIIIème siècles. Evoquons également plusieurs monnaies :
-un tremissis[30], imitation de Justin Ier, attribué à Théodoric (493-526) et frappé à Ravenne
-un sceat, probablement d’origine anglo-saxonne, frappé au début du VIIIème siècle
-un second sceat, d’origine anglo-saxonne, frappé entre 710 et 760
Toutes ces trouvailles plaident pour une occupation de la villa et un maintien de son activité économique au-delà du commencement du VIIIème siècle.
 
L’interprétation de l’occupation de la zone de peuplement de Strouanne-Saint-Pô aux temps mérovingiens apparaît plus complexe. En effet, l’essentiel des vestiges exhumés pour ce site l’ont été dans les éboulis de la falaise. Or cette falaise crayeuse a reculé de plusieurs centaines de mètres en 1500 ans, si bien qu’une partie des vestiges se trouve maintenant dans la mer. Notre connaissance du site de Strouanne-Saint-Pô est donc fragmentaire.
Des différentes trouvailles opérées, il est incontestable que cette occupation se poursuit jusqu’au début du Vème siècle. Au-delà de cette date plusieurs monnaies se signalent, dont l’une a fait l’objet d’une étude détaillée. Il s’agit d’un tremissis au nom de Justinien, imitation franque frappée dans la seconde moitié du VIème siècle. Se basant sur ces trouvailles, certains auteurs font en effet mention d’un atelier monétaire à Wissant, en usage au VIème siècle[31]. Cette assertion est très contestable.
 
 
Les deux monastères wissantais
C’est durant la première moitié du VIIème siècle que débute un effet de pénétration chrétienne. L’évangélisation suit deux voies. D’abord le rétablissement de sièges épiscopaux, puis le « quadrillage » des campagnes par les monastères, dont le rôle est prépondérant dans le prosélytisme. Ceux-ci s’implantent là où se trouve la population rurale.
Il est donc particulièrement intéressant de souligner que selon Lambert d’Ardres, auteur du XIIIème siècle et selon la chronique de Saint-Bertin d’Ipérius écrite au XIVème siècle, deux monastères auraient été fondés au début du VIIème siècle, l’un par sainte Fare[32] à Basse-Sombre (monastère de femmes), l’autre par son frère saint Faron à Strouanne[33] (monastère d’hommes). Certains auteurs datent la fondation de sainte Fare en l’an 606 et celle de son frère en l’an 635. Toutefois il semble plus prudent d’avancer comme datation la période 614-625.
Ces deux fondations attestent donc qu’au début du VIIème siècle, les principaux foyers de population se trouvent l’un à Strouanne-Saint-Pô, l’autre à Basse Sombre. L’implantation à Strouanne se justifie principalement par l’activité économique du site. Selon Eric Vanneufville, qui s’est particulièrement intéressé à l’implantation saxonne en Gaule, Wissant est à l’époque mérovingienne un port continental à vocation commerciale intégré dans l’espace saxon-frison. L’établissement se situerait précisément à Strouanne, c’est-à-dire là où arrive un diverticule du chemin romain La Leulène. Son activité semble effective à partir du VIIème siècle. Le port wissantais est alors relié, par la Voie Occidentale, à Boulogne, Amiens, mais surtout à Saint-Riquier et à Quentovic. De fait, il bénéficie pleinement de l’impact du commerce saxon-frison du Haut Moyen-Age, tout au moins jusqu’aux incursions normandes du IXème siècle. Ce commerce revêt plusieurs formes : vin, poteries, ornements, objets d’art, draps et même trafic d’esclaves.
 
Par ailleurs le chenal de l’Herlen, qui relie le cours d’eau à la mer en marée basse, est beaucoup plus important qu’aujourd’hui ; il offre aux bateaux et aux barques un accès relativement facile à la fois à la plage et à l’intérieur des terres. Les embarcations n’ont qu’à emprunter le chenal pour se retrouver aux pieds des routes terrestres littorales, à savoir la Voie Occidentale et la Voie Côtière, qui relie Sangatte à Rouen.
 
Débouché du ruisseau d'Herlen au début du XXe siècle à Wissant
Débouché de l’Herlen au début du XXème siècle
 
Il est incontestable que le principal foyer de peuplement wissantais se situe alors à Basse-Sombre, c’est-à-dire non loin du chenal de l’Herlen. En effet, lorsque les premiers évêques de la Morinie se décident à créer les paroisses rurales, ils les établissent là où se trouve le plus de population. Or c’est à Sombres, et non à Wissant ou à Strouanne, qu’ils vont en placer une. Ultérieurement, lorsque sera érigée la première église paroissiale, il lui sera donner le titre de Notre Dame de Sombres. Il est à signaler que la paroisse de Sombres sera appelée par la suite paroisse de Sombres-en-Wissant.
La zone de peuplement la plus importante se trouve donc à l’intérieur des terres ; il s’agit de la villa localisée au lieu-dit actuel Basse-Sombre[34], mais dénommé alors Sombres. Cela explique pourquoi le nom de Sombres semble connu plus tôt que celui de Wissant. Selon l’abbé Lesage, curé de la paroisse wissantaise de 1947 à 1967, Sombres aurait été cité dès le règne de l’empereur romain d’Occident Honorius, en 406.
En consultant les actes anciens, il est certain que Basse-Sombre et l’antique Sombres ne font qu’un. Signalons ainsi la fondation du monastère de sainte Fare. Selon Ipérius, le sanctuaire aurait été élevé à Sombres (« in Sombris prope Witsantum »). Or, comme nous le verrons un peu plus tard, le sanctuaire semble avoir été érigé au cœur du cimetière wissantais, c’est-à-dire en l’actuelle Basse-Sombre. L’on peut ainsi multiplier les exemples démontrant que notre Basse-Sombre et l’antique Sombres ne font qu’un[35].
 
Les fondations de ces deux monastères dans les premières décennies du VIIème siècle sont importantes pour le pays wissantais. Elles auraient ainsi contribué à faire accepter le christianisme dans le pays, qui jusqu’alors est resté païen. C’est en effet à cette époque que le pouvoir anglo-saxon et le paganisme s’effacent devant les Francs et les missionnaires chrétiens. Anglo-saxons et Gallo-romains finissent d’ailleurs par fusionner avec le royaume franc sous l’égide du christianisme.
Les deux monastères wissantais auraient été détruits, vraisemblablement en 842 lors des ravages des Normands placés sous les ordres de Gurmand (ou Gurmund) et Sambart (ou Isambart). Toutes les villes maritimes sont alors ravagées et Sombres, comme le port de Wissant, n’échappent pas à la destruction. Malgré tout, le bourg se relève timidement de ses ruines.
 
 
La nécropole de la Motte au Vent
Cette pénétration des cultures gallo-romaine et germanique, cette relative stabilité de l’emprise du sol, transparaissent également au niveau de la Motte au Vent, site sur lequel a été mis à jour le plus important témoignage de l’occupation de Wissant sous les temps mérovingiens. Une nécropole a en effet été découverte sur ce site déjà occupé aux temps néolithiques.
L’histoire débute en mai 1894 lorsque le cantonnier Antoine Dezoteux, en cherchant des silex pour empierrer un chemin, a mis à jour les objets suivants caractéristiques de l’époque mérovingienne : des débris d’une lance, une pince épilatoire, une petite plaque en bronze et un vase en terre noire.
Les autorités sont aussitôt prévenues et l’abbé Henri Debout, archiprêtre de Calais et délégué par la commission des Monuments Historiques, est dépêché pour mener des fouilles. Un cimetière constitué de trois tombes à inhumation en cercueil, orientées ouest / est (dont deux intactes) est mis à jour sur le flanc ouest de la motte, à l’extrémité d’un petit plateau de cent mètres de côté, qui forme comme un gradin à mi-côte de l’éminence.
Les deux sépultures non perturbées se trouvent à une profondeur de 2 mètres 20, dans un terrain formé, sous une couche de sable, d’un dépôt de graviers très dur à sa partie supérieur et gorgé d’eau dans sa partie inférieure. Elles sont constituées chacune d’un cercueil en bois qui devait contenir un corps dont la tête était tournée vers la mer. Il ne reste rien des corps inhumés. Seuls subsistent le mobilier funéraire et les traces charbonneuses des cercueils.
La première tombe intacte, plus proche de la mer livre un vase en terre grise et tout contre lui un fer de lance de 28 centimètres placé la pointe vers les pieds du mort. La seconde sépulture contient pour sa part un fer de lance de 59 centimètres dont la pointe était placée auprès de l’endroit où devait se trouver la tête du défunt. On y a trouvé également un couteau au niveau de la ceinture, un fragment de verre de couleur vert, et aux pieds du mort un vase en terre grise à revêtement extérieur noir.
La nécropole a livré également une fibule, une fusaïole, des perles en pâte de verre, un anneau, une pince à épiler et un débris de peigne en os. Selon Rogier Rodière, deux objets portaient une croix, notamment l’ornementation à l’estampille d’un des vases. Il en déduit que leurs possesseurs devaient être chrétiens.
 
Depuis ces fouilles, deux nouveaux vases ont été découverts à la Motte au Vent. L’un, intact, avait probablement été déposé dans une tombe dont la situation n’a pu être précisément donnée. L’autre a été trouvé brisé à proximité du site de la nécropole. Son découvreur est Henri Mariette qui l’a mis à jour lors de ses fouilles à la Motte au Vent au début des années 1960. Celui-ci va d’ailleurs exhumer des tessons mérovingiens au niveau des sables gris recouvrant les fosses gallo-romaines qu’il étudie. Il est impossible de déterminer si ces vestiges plus tardifs que les objets trouvés en 1894, appartenaient ou non à une tombe bouleversée. Une distance de 100 à 120 mètres sépare en effet les deux fouilles.
La portion de la nécropole fouillée par l’abbé Debout en 1894 appartient incontestablement au VIème siècle, l’inhumation la plus ancienne pouvant être antérieure à 550. Qu’il soit issu ou non d’une sépulture, le vase découvert par Henri Mariette indique que l’occupation se prolonge au VIIème siècle. Cette nécropole se situe donc sur la même hauteur que celle du site gaulois étudié par Henri Mariette. Les trouvailles de ce dernier montrent par ailleurs que Gaulois et Mérovingiens ont occupé au moins partiellement le même lieu. On peut donc y voir une réelle continuité de l’occupation des sols entre Gaulois, Gallo-romains et Mérovingiens. Ce qui témoigne d’une fusion de ces cultures et de ces civilisations.
 
 
Etymologie
Sous le règne des Mérovingiens, le nom de Wissant apparaît. Il est cité pour la première fois dans la chronique de saint Vulgan qui, selon la tradition, aurait abordé d’Angleterre en France en 569 à Wissant afin d’évangéliser la Morinie et d’y affermir la foi chrétienne. Selon Auguste Mariette, saint Vulgan serait arrivé dans la cité en 556. Cette date est donnée dans la Vie de saint Vulgan, insérée dans l’Histoire de l’abbaye de Saint-Ouen du père Pommeraye, laquelle a été écrite au XVIIème siècle. Le père Pommeraye l’a tient lui-même de Malbrancq.
Plusieurs hypothèses existent quant à l’origine du nom Wissant. Le nom semble tirer de deux termes celtiques, ou plus vraisemblablement germaniques, à savoir wit et san signifiant blanc et sable. Il est toutefois possible de voir dans le radical sant une racine celtique dans le sens de marais, marécage. L’étymologie de Wissant pourrait également provenir du moyen-haut allemand wisen signifiant conduire. Certains Wissantais pour leur part voient dans l’origine du nom de leur village une réunion de deux termes celtiques : wit (blanc) et sant (dune). Dom Grenier trouve quant à lui dans l’étymologie de Wissant la voie des saints.
 
 
Lieux mystérieux
Nous ne pouvons conclure ce chapitre sans évoquer deux sites autours desquels l’on ne sait où s’arrête la réalité et où commence la légende.
Le premier est le débouché du ru des Nains, c’est-à-dire sur la plage entre Wissant et Saint-Pô. Plusieurs auteurs, se basant sur la tradition, nous apprennent que le ruisseau arroserait vers son embouchure un édifice protohistorique. Pour certains, il s’agirait d’un monument druidique, pour d’autres ce serait plutôt les ruines d’un monument mégalithique. Selon Victor Lecouffe, le ru des Nains déboucherait au milieu de pierres énormes venues des environs de Marquise. En examinant ces pierres, il aurait remarqué sur trois ou quatre d’entre elles, de forme arrondie, « un énorme cercle gravé qu’il est impossible d’attribuer à une cause purement accidentelle. Il s’agirait donc, là, selon moi, des débris de quelque temple consacré à une divinité solaire, et que la mer avait détruit et dispersé au cours d’un de ses ennoiements périodiques ».
Pour étayer son hypothèse, il se base sur le sentier du Temple qui menait justement à ces débris. Ce sentier aurait gardé par son nom, le souvenir de ce temple. Mais, malheureusement pour Victor Lecouffe, le sentier du Temple tire en fait son nom de la commanderie des templiers érigée à Wissant au Moyen Age.
 
Le ruisseau des Nains
 
Autre site mystérieux : les Wardes. Il s’agit d’écueils visibles à marée basse au large de Saint-Pô. Or il se trouverait aux Wardes la route sous la mer. En effet plus d’un marin wissantais témoignait y avoir vu une route large de 4 à 5 mètres et offrant une surface aussi lisse que du ciment. Cette route se dirigerait… vers l’Angleterre ! Certains pêcheurs affirmaient avoir vu sur la route engloutie des empreintes de roues de chariots et de sabots de chevaux. D’autres évoquaient une croix longue de 10 à 12 mètres et épaisse de 50 centimètres. Cette croix serait une sorte de calvaire qui reposerait sur une partie du chemin. Des pêcheurs ont même parlé de crabes attrapés entre les murs effondrés d’antiques maisons.
Certains verraient plutôt dans ces vestiges un port avec un quai. Et le fameux chemin serait en fait une jetée. Il est vrai que plusieurs chercheurs ont associés les Wardes[36] à l’énigmatique village de Weretha, qui est cité dans le récit de la translation des reliques de Saint-Wandrille, de Boulogne à Bruges, le 24 août de l’an 944. Les moines de Gand, qui transportaient la relique, étaient partis de Boulogne. Après un jour de marche, ils s’arrêtèrent à Weretha, qui était situé près de la mer. Les moines y passèrent la nuit puis ils reprirent leur chemin.
Cette hypothèse séduisante se heurte toutefois au fait qu’au Xème siècle, les Wardes étaient déjà sous la mer, suite à la transgression dunkerquienne II. Par ailleurs, après avoir fort bien étudié les textes de la translation des reliques de Saint-Wandrille, l’abbé Haigneré, propose Les Wrimetz, et non les Wardes, comme localisation possible de Weretha.
L’on ne possède en fait que peu d’éléments pour localiser Weretha. Le cortège religieux formé par les moines de Gand est parti de Boulogne par une voie qui longeait la mer dans la direction Calais. Arrivés à une montagne appelée Wonesberch (probablement le mont de Wimille), le peuple Boulonnais qui accompagnait alors les moines, chanta un alléluia avec les religieux. Puis on se sépara ; les Gantois reprirent la route pour aller passer la nuit dans un village situé près de la côte, où le flot remontait dans les grandes marées et qui s’appelait Weretha. A peine étaient-ils arrivés dans ce village qu’une tempête se leva. L’air se troubla, la mer s’agita avec violence. Selon le récit de la translation, la mer s’éleva tellement en hauteur qu’on aurait cru qu’elle allait sortir de ses limites et envahir la surface de la terre. Les moines se crurent perdus ; ils s’empressèrent de recourir à l’intercession des saints confesseurs. L’air se rasséréna et la mer retrouva son calme. Le lendemain, après avoir franchi le canal du Nieulet, ils gagnèrent le village d’Oye.
Notre site se localiserait donc près de la mer entre Boulogne et le Calaisis, et à une journée de marche de Boulogne sur des routes alors bien plus difficiles qu’aujourd’hui. La mer doit être toute proche puisque l’on peut assister à la remontée des flots lors de grandes marées. Weretha pourrait ainsi correspondre à Tardinghen, à Escalles, voire au village médiéval de Wissant.
 
Toujours est-il que, attirés par la fameuse route wissantaise sous la mer, certains ont tenté d’aller voir les fameux vestiges, tel Victor Lecouffe : « J’avoue que je n’ai rien pu constater de ces vestiges lorsqu’un jour d’équinoxe je me suis mis à l’eau par curiosité. Je crois que l’imagination doit avoir sa grande part dans ce récit ». Et pourtant, la route, connue à Wissant depuis des générations, semble bel et bien exister…


 


 

 

 

 

 


[1] Il s’agit de noyaux de silex utilisés essentiellement pour le débitage d’éclats et de lames.
[2] Il s’agit d’une carrière exploitant les sables et graviers de l’ancien estuaire du Fart.
[3] La base des dépôts comble le fond d’une vallée et d’un petit golfe compris entre Wissant et Tardinghen ; des falaises fossiles sont d’ailleurs visibles en plusieurs endroits.
[4] Les maisons, faites de bois et de torchis, naissent et se regroupent en village.
[5] La céramique et la hache polie apparaissent.
[6] A cause de la rareté du métal.
[7] Il se situait alors plus au nord-ouest.
[8] Dont une en silex a été découverte au XIXème siècle par E.-T. Hamy dans la tourbe au nord de l’embouchure du riu de Sombres.
[9] Tourbe dite subboréale.
[10] Argile à scoribulaire du Flandrien moyen.
[11] Ce site est réputé pour les nombreuses trouvailles qu’on y a faites en objets néolithiques.
[12] Huîtres, moules, hénons ou encore patelles.
[13] Epingle de sûreté en métal utilisée pour fixer les vêtements.
[14] Ce qu’on appelle des statères et des quarts de statère.
[15] Cette découverte est exceptionnelle sur le continent.
[16] 10 centimètres d’épaisseur.
[17] Selon le jeu de l’érosion, c’est l’une des deux tourbes, l’argile ou le sable de la plage qui se découvrent.
[18] La présence d’un amas de cendres, de charbons de bois et de vagues débris osseux incinérés semblent en témoigner.
[19] L’on rappellera que le site des deux Caps a livré des vestiges protohistoriques qui indiquent que, bien avant la venue de César, des populations germaniques empruntaient déjà le havre wissantais pour se rendre dans l’île de Bretagne.
[20] Le géographe Marcel Dubois écrit ainsi en 1898 : « Les caps Blanc-Nez et Gris-Nez sont, l’un à 100, l’autre à 50 mètres au-dessus du niveau de la mer. Les vagues, très violentes dans cet étroit passage, travaillent sans cesse à la destruction des falaises qui reculent d’environ 24 centimètres par an ».
[21] Ce dont atteste le site gallo-romain des tourbières littorales.
[22] Notre connaissance du site est fragmentaire car comme l’écrit Roland Delmaire, parmi ces toutes trouvailles « seule une partie est parvenue à notre connaissance ».
[23] En au moins trois points différents.
[24] Signalons également la découverte de charbons de bois et de silex brûlés.
[25] La céramique sigillée apparaît dans le site des tourbières à cette époque.
[26] Elles sont mues par des rames.
[27] Déjà mentionné un peu plus haut.
[28] La présence humaine est révélée par la perte de monnaies dont l’état permet de cerner la date de perte. L’on peut ainsi décaler cette date de plusieurs d’années, voire de plus d’un siècle, selon leur degré d’usure.
[29] Monnaie mérovingienne en argent.
[30] Monnaie mérovingienne en or.
[31] Jusque vers 575.
[32] Fille d’Hagneric, maire du palais de Thierry de Bourgogne au VIIème siècle.
[33] Signalons en aparté que Strouanne (ou Estrouannes) est très ancien puisqu’il est cité sous le nom de Strones en 1084 dans la charte de fondation de l’abbaye d’Andres, pour la dîme qu’y possède alors le comte de Guînes. Cette dîme sera confirmée aux religieux d’Andres par le Pape Calixte II en 1123.
[34] Situé à proximité du Fort César et du cimetière.
[35] Ainsi, durant l’hiver 1709, un ouvrier décéda mais les conditions météorologiques interdirent son inhumation dans le cimetière paroissial. Dans son acte mortuaire on peut lire qu’il fut enterré « sur les trois heures de l’après-midi, dans la chapelle Saint-Nicolas à cause des grandes abondances de neiges qui ont empêché de le porter à Sombre ».
[36] Etymologiquement les Wardes signifient les gardes, c’est-à-dire un poste de garde (un port ?) ou un lieu qui garde le souvenir de quelque chose.
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