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L’abbaye de BEAULIEU

en Boulonnais

 

 Nos ancêtres ont donné à de nombreux lieux ou ils s’installaient le nom de Beaulieu. Ainsi plus d’une création monastique a porté ou porte ce nom car les moines qui créaient des fondations religieuses n’établissaient pas celles-ci au hasard, aussi il existe en France de nombreuses abbayes de Beaulieu. L’amateur d’art pensera immédiatement aux édifices romans de Beaulieu en Dordogne, de Beaulieu les Loches, ou encore à l’abbaye de Beaulieu en Rouergue. L’établissement qui nous intéresse est situé en Boulonnais dans la commune de Ferques au nord du bourg de Marquise. L’ambition d’Histopale est ici de rassembler divers écrits et documents liés à l’abbaye de Beaulieu afin d’en faire profiter le plus grand nombre et de rappeler l’existence de ce site méconnu dont même le promeneur non avisé ne soupçonne pas l’existence. Il n’y a pas d’Histoire proprement dite de cet éphémère établissement religieux qui a eu le tort de se trouver dans une région très troublée. Les chartes subsistantes ont été étudiées par des érudits .Ce qui suit est emprunté à la chronique de Lambert d’Ardres, à l’histoire d’Arrouaise de Dom Gosse, aux travaux de l’abbé Haigneré[1] et de Roger Rodière[2],

 

Chapitre 1  L’Abbaye Notre Dame de Beaulieu ou Bello Loco

1.1 La fondation

 Le hameau de Beaulieu, dans la paroisse d’Elinghen, dépendait du domaine de Fiennes. Les origines en sont diversement racontées . Pour Lambert d’Ardres ( dont les informations ne sont pas toujours absolument certaines ), l’abbaye de Beaulieu doit sa fondation à la piété d’Eustache de Fiennes, dit le Viel [3], qui vivait dans la première moitié du XIIè et forma cet établissement en réparation de ce que, dans un tournoi, il avait tué un gentilhomme du Ponthieu issu de la maison de Ponches. Si l’on en croit le récit de Folquin, Abbé de Beaulieu qui vivait en 1468, ce même Eustache de Fiennes ayant suivi Godefroi de Bouillon en Palestine, et eut pour partage dans les dépouilles de Jérusalem une coupe dont on prétendait que le Sauveur du monde s’était servi lorsqu’il célébra la dernière Cène avec ses disciples. En revenant de terre sainte, Eustache de Fiennes aurait fait vœu à la Vierge s’engageant à bâtir un monastère en son honneur, s’il parvenait à rentrer sain et sauf dans ses domaines. Ce vœu ayant été exaucé, le noble seigneur aurait choisi la riante vallée de Beaulieu pour y établir la nouvelle maison religieuse dont il avait projeté la construction  Il s’agirait donc du Saint Graal, vase ayant reçu le sang du Christ, mais il ne faut point trop s’arrêter à ce récit tardif . Une chose est certaine, c’est qu’il y plaça des chanoines de la congrégation d’Arrouaise qu’il fit venir du monastère de Sainte Marie au Bois, de Ruisseauville[4]. Le premier abbé fut un nommé Guillaume. Pour autant ,l’origine de la fondation est incertaine. Le seul élément qui permette de fixer une date approximative est la charte disparue, d’Aitrope d’Elinghen, qui est datée de 1137. Cette date est confirmée par le onzième rang que tenait l’abbaye à l’intérieur de l’Ordre de la congrégation d’Arrouaise. "Il est possible et il doit être que l’abbaye de Beaulieu existât antérieurement à cette affiliation". Dans sa chronique, Guillaume d’Andres regrette que ses prédécesseurs aient laissé passer l’occasion de réunir ce monastère à leur maison, suivant le vœu du fondateur[5] .

L’ origine de l’abbaye pourrait être 1131.

1.2  L’abbaye d’Arrouaise

Vers 1090 un petit groupe composé de trois ermites; Roger, Heldemar et Conon; alla sur la terre du Transloy près de Bapaume dans la forêt d’Arrouaise à la limite méridionale du comté de Flandre et du diocèse Cambrai-Arras. Ce devint très vite une communauté canoniale régulière. Ils obtinrent de Lambert l’évêque d’Arras un diplôme d’institution de cette même abbaye sous la règle de St Augustin. Le succès de l’abbaye d’Arrouaise fut tel qu’il engendra un groupement étendu d’établissements du même genre, soit par fondation, soit par adoption de la règle de St Augustin,  aussi l’ordre d’Arrouaise essaima jusque en Irlande et en Silésie[6]. Il se forma plusieurs filiations et les différents rapports entre les maisons mères et leurs filles, établirent la supériorité des premières sur les secondes. Parmi les filles de l’abbaye d’Arrouaise, Ruisseauville qui en reconnut la suprématie ainsi que 28 autres abbayes dont pour ne citer que celles implantées dans le Boulonnais, Beaulieu, Sainte Marie de Boulogne, Saint Wulmer également de Boulogne et Doudeauville[7]. Ruisseauville fut mère de l’abbaye de Beaulieu.

Il y a peu d’éléments sur la vie religieuse de l’abbaye, cependant il est possible de s’en faire une idée à travers les statuts qui régissent la règle de la Congrégation. Ils ont été rédigés en 1233, les voici présentés sous la forme de dix neuf articles.

  art 1: On maintiendra la forme usitée dans l’ordre pour la réception des novices. On leur expliquera les constitutions afin qu’ils sachent à quoi ils s’obligent.

  art 2 :Il y a trois choses en quoi personne ne peut dispenser, l’obéissance, la chasteté et la désapropriation. Qu’elles soient principalement observées.

  art 3 : Si un chanoine ou un convers est taxé d’incontinence, il sera repris par son prélat et envoyé dans quelque Maison de l’ordre ou la règle est en vigueur. Si la faute est publique, il sera puni grièvement selon qu’il est ordonné dans les constitutions.

  art 4 : Les femmes n’entreront point dans la partie de l’église ou les chanoines, ni dans le cloître ni dans aucun lieu régulier , mais seulement dans la nef de l’église, à moins que ce ne soit la Dame du lieu, ou telle autre Dame que l’on ne puisse en empêcher sans scandale…….. que les portes du cloître soient fermées et gardées par une personne de confiance, de même que celles qui séparent, dans l’église les chanoines des séculiers. Les Maisons seront entourées de murs de clôture, de manière que l’on ne puisse entrer ni sortir que par une porte commune ou l’on placera une personne fidèle et craignant Dieu. Que l’on ne permettent pas aux chanoines de parler à des femmes, s’ils ne sont confesseurs et d’une bonne renommée, ou si ce n’est pour cause raisonnable. On pourra aussi leur permettre de converser avec des parentes dans les degrés les plus proches. Si dans les Maisons ou l’on nourrit des animaux, il est besoin du ministère des femmes, on leur fera des logements hors des murs de clôture, de sorte qu’il n’y ait entre les deux demeures aucune porte de communication.

  art 5 : Il y est statué des converses

  art 6 : Quant aux propriétaires qui osent non sans se rendre coupables de vol, s’attribuer les biens des monastères, comme la cupidité est la source de tous maux, il a été ordonné que trois fois l’an, à Paque, à la Pentecôte et à Noël, les Abbés défendront solennellement en Chapitre à tous leurs inférieurs, chanoines, convers ou converses, d’avoir quelque chose en propre et cela en vertu de la sainte observance et sur peine de damnation éternelle.

  art 7 : Que l’office divin se fasse comme de coutume aux heures déjà déterminées, chaque abbaye se pourvoira suffisamment de livres, elle se procurera au moins tout le corps de la Bible, les vies des Saints, les homélies, le livre de constitution et tous ceux qui sont nécessaires pour la célébration de l’office. Tous les chanoines lettrés résidents y assisteront. Les prélats auront soin que ceux qui demeurent dans les prieurés ou qui voyagent, aient aussi leurs livres pour s’acquitter des mêmes obligations.

  art 8 : Pour ce qui est du cloître ou ils doivent se trouver à certaines heures pour vaquer à la lecture et se préparer à l’office, il a été statué qu’ils n’en sortiront point pour aller ça et là dans la Maison, mais seulement avec permission. Ils garderont un silence perpétuel, comme il est dit dans les constitutions.

  art 9 : Les frères s’accuseront eux même et se proclameront les uns les autres dans le Chapitre. Que personne n’ait la présomption d’y défendre son voisin et que les fautes soient punies selon les règles de l’ordre.

  art 10 : Ils coucheront tous dans le même dortoir, à moins que pour quelque cause raisonnable le prélat n’en dispense. Ni les Abbés, ni les chanoines n’auront des chambres particulières. On ne souffrira point de lits de plumes dans le dortoir. Nul chanoine, nul convers n’aura un coffre ou une armoire fermée à clé, sinon à cause de quelque office et avec la permission du Supérieur.

  art 11 : On souffrira à chacun une robe de drap commun fourrée de peaux d’agneau, de chat domestique ou de renard, mais ils ne se serviront aucunement de peaux d’autres animaux sauvages. Ils porteront sur la chair une tunique de laine .La choque sera noire et le surplis à manches larges. Ils ne vêtiront le rochet qu’à la messe et aux autres offices de l’église, leurs souliers ou brodequins les chaufferons jusqu’à mi-jambe, mais sans courroie. S’ils vont à cheval, ils porteront la chaussure jusqu’aux genoux, mais sans lanière. Ils n’auront des tapis vers ou de diverses couleurs que pour l’usage des hôtes, l’aumusse sera de drap noir, ou du même drap couvert d’une peau noire.

  art 12 : On servira à tous la même boisson et les mêmes mets dans le réfectoire ou ils mangerons tous, excepté les infirmes et ceux que leurs emplois empêchent de le faire. ces derniers s’y rendront et mangeront avant ou après les autres…. Que l’on n’emporte hors du réfectoire, rien de ce qui aura été servi. Mais que l’on garde les reliquats des tables tant en réfectoire que de l’infirmerie et des hôtes, pour les distribuer aux pauvres. Il n’y aura dans le réfectoire ni réduit ni chambre pratiquée pour y manger. On n’y fera aucune fenêtre par ou l’on puisse passer …….. On observera le jeûne marqué par les statuts, c’est-à-dire depuis les ides de septembre jusqu’à Paques et pendant ce temps, le couvent ne mangera q’une fois seulement à la neuvième heure excepté les dimanches ….

  art 13 :Quant à l’infirmerie, on aura grand soin que chaque malade ne manque de rien. l’Abbé fournira, selon ses facultés tout ce qui sera nécessaire pour la nourriture et pour les remèdes.

  art 14 : Comme tous les fidèles, selon l’Apôtre doivent être hospitaliers et à plus forte raison les religieux, chaque Maison exercera l’hospitalité conformément à ses moyens . Chaque hôte sera reçu selon sa condition. On n’admettra point de femmes, à moins que ce ne soient des Dames de telle qualité qu’il ne soit pas possible de s’en défendre sans s’exposer à de grands inconvénients ….

  art 15 : On ne permettra aux chanoines et aux convers de sortir, qu pour des causes justes et raisonnables qu’ils ne conduisent hors du monastère, de manière à n’offenser les yeux de personne …. On ne donnera pas légèrement cette forme de permission……. Mais de quelque bonne réputation que jouisse un chanoine, on ne lui permettra pas de demeurer hors du monastère …. Lorsque les chanoines qui demeurent dans les villages, ou auprès des villages, sortiront à pied, ils sortiront deux……. Personne n’aura la présomption d’entrer dans les maisons des villages sans de bonnes raisons.

  art 16 : …. nulle église, nul chanoine ne procédera à une élection contre la teneur des privilèges de l’Ordre. Que les Abbés et autres Prélats soient les modèles de leurs inférieurs, comme il est écrit dans la règle. On ne donnera l’habit religieux à aucun qui n’ait dix huit ans accomplis et qui ne paraisse n’avoir en vue que le salut de son âme. Les Abbés n’auront que trois haquenées, ou quatre, s’ils ont des moyens suffisants. Un Abbé qui n’a point douze chanoines, se contentera de deux chevaux, et ne se fera accompagner que d’un chanoine ou d’un convers . Que les Prélats n’obèrent point leurs Maisons par des dépenses superflues. Qu’ils n’en sortent pas sans cause raisonnable, mais que chacun d’eux établisse un procureur, chanoine ou convers, qui se charge des affaires extérieures. Ils n’auront en eux ni chez eux rien de recherché, soit pour le vêtement, soit pour la table.

  art 17 : Quant à l’article des comptes, il est arrêté que les Abbés rendront les leurs quatre fois chaque année…

  art 18 : cet article  regarde le Chapitre général .

  art 19 : Il y aura dans toutes les abbayes un exemplaire du livre de l’ordre qui sera lu chaque année en commun ….

Telles sont les constitutions des réformateurs apostoliques arrêtées pour l’ordre d’Arrouaise au Chapitre général de 1233 . Elles furent reçues avec soumission par tous les Abbés, excepté ce qui concerne le gras. Le Pape avait prétendu les obliger à un maigre perpétuel. Cet article fut vivement débattu et fit grand bruit parmi les arroasiens.

1.3 Les Chartes  de Beaulieu.

Les titres et papiers avaient été précédemment inventoriés le 23 septembre 1790 par la municipalité de Ferques . Ce sont des rentes, baux, mais surtout des bulles pontificales remontant à la période  religieuse de l’abbaye. Les officiers municipaux de Ferques, Elinghen et le fermier Coze ne pouvaient toujours en saisir la teneur – "Avons trouvé en grand nombre de vieux titres et papiers que nous n’avons pu lire à cause de leur ancienneté et difficulté de l’existence et tous âgés, à nous impossible d’inventorier "[8] . Conservées dans un coffre de la ferme de Beaulieu depuis la révolution jusque 1864, l’abbé Haigneré regretta que l’on ait puisé jusque là sans scrupules chaque fois qu’on avait besoin de donner une couverture neuve aux grammaires et aux catéchismes des enfants de l’école .

Ces documents étaient restés jusqu’alors inconnus des nombreux écrivains qui avaient traité de l’histoire du Boulonnais. L’abbaye de Beaulieu nous a légué douze parchemins parmi lesquels se trouve un beau privilège inédit du pape Adrien IV. Quelques autres chartes, qu’on ne saurait trop regretter, et parmi elles le titre même de la fondation, la confirmation du roi Etienne, un privilège d’Eugène III, le curieux diplôme d’Aitrope d’Elinghen, ou se trouvait une des plus anciennes mentions qui existent de la monnaie de Boulogne paraissent perdus sans espoir d’être jamais retrouvés. Néanmoins, telle qu’elle est, la collection de M le Dr Coze a sauvée d’une destruction complète, a le mérite de porter quelque lumière sur l’histoire de ces moines industrieux qui ont contribué plus que personne à la civilisation de nos campagnes, et dont les actes renferment les seuls éléments qui subsistent de l’ancienne topographie rurale du pays qu’ils habitaient. C’est là seulement qu’il est possible de retrouver, en de vivants détails, les traits et les couleurs nécessaires pour retracer le tableau de la vie agricole au moyen age (10).

Voici ces documents.

  – Charte de fondation –  Date incertaine

  – Aitrope, chevalier, sa femme Hadwide et leur fils, donnent à l’église de Beaulieu leurs possessions d’Elinghen – 1137

  – Le Comte Etienne de Boulogne, roi d’Angleterre confirme l’acte qui précède- 1148

  – Le pape Eugène III accorde à l’abbaye de Beaulieu un privilège de protection – 1148

  – Le pape Adrien V accorde à l’abbaye de Beaulieu le privilège d’une bulle consistoriale –

  4 janvier 1157.

  – Guillaume comte de Boulogne et de Warenne approuve et confirme les donations faites à l’abbaye de Beaulieu par le chevalier Aitrope – 1157 environ.

  Milon 1er, évêque des Morins, confirme les conventions énoncés dans la charte qui précède – 1157

  Hugues, abbé de Beaulieu, signe à l’acte de Milon II, évêque des Morins, par lequel ce prélat donnait à l’abbaye d’Arrouaise l’autel de Rebreuve sur Canche –1162

  -Guillaume II, abbé de Beaulieu, signe comme témoin d’une charte d’Arnoul d’Ardres, relative à la dîme de Zouafques – 1173

  -Ricouart, abbé de Beaulieu, signe une charte par laquelle l’abbé de Saint-Eloi-Fontaine afferme la perception d’une rente de harengs dans le port de Falaise. 1185

  -Walter, ou Gauthier, abbé de Beaulieu, signe une charte de Thomas de Fiennes, relative à la donation que ce dernier faisait à l’abbaye d’Andres, d’un poquin de froment, à Nepteville, en Boulonnais.

  – Le même abbé signe, avec Robert, chanoine de son église, une charte de Guillaume de Fiennes, par laquelle ce dernier reconnaît que Baudouin Palmarius a renoncé aux droits qu’il prétendait sur la dîme de Landrethun le Nord- Fiennes, avril 1215

  – Eustache de Ferques reconnaît que Walter, abbé de Beaulieu, a pris en engagère la dîme qu’Eustache Bataille tenait de lui dans la paroisse d’Hardinghen – Novembre 1220.

  – Walter, abbé de Beaulieu, et le chapitre de son église reconnaissent être tenus de payer annuellement à l’abbaye d’Andres, dix sols de parisis, à cause de leur fief d’Hardinxent- Janvier 1223.

  – Guichard, abbé de Beaulieu, notifie, avec d’autres abbés de son ordre, que Pierre de Durent a renoncé aux prétentions qu’il avait élevées touchant la possession des autels de Beutin, Ami         (Montcavrel), de Neuville et de Sempy- Janvier 1246.

  – Le pape Innocent IV concède à l’abbé et au couvent de Beaulieu le privilège de ne payer aucun droit de péage, de winage, ni de rouage, pour le blé, le vin et les autres choses destinées à la consommation – Lyon, 27 septembre 1246.

  – Pierre, évêque d’Albano, notifie que Renaud, curé de Wimille, procureur de l’abbaye de Beaulieu, ayant obtenu du pape Innocent IV le bref qui précède, a promis par devant lui que ce bref ne portera aucun préjudice à l’abbaye de St Bertin – Lyon, 5 octobre 1246.

  – Le Pape Innocent IV autorise les religieux de l’abbaye de Beaulieu à posséder des biens personnels et à recueillir les héritages qui pourraient leur revenir, à l’exception des fiefs- Lyon, 5 Janvier 1249.

  – Mahaud, comtesse de Boulogne, dame de Fiennes fonde une chapellenie dans l’abbaye de Beaulieu, à charge d’une messe chaque jour, pour elle-même, pour Renaud de Dammartin et Ide de Boulogne, ses père et mère, et pour Philippe de Fiennes, comte de Boulogne, son premier époux –1257.

  – Le Pape Urbain IV accorde aux religieux de l’abbaye de Beaulieu l’autorisation de recevoir en gage des obligations souscrites par leurs sujets – 14-30 novembre 1263.

  – Arnoul III, comte de Guines, confirme à l’abbaye de Beaulieu la donation des dîmes de Pihen et d’Hydrequent, qui a été fait à ce monastère par Eustache de Fiennes, son oncle. Mars 1272

  -Le Pape Grégoire X confirme d’une manière générale les privilèges précédemment accordés à l’abbaye de Beaulieu – Lyon, 12 mars 1274.

  -Le Pape Jean XXI renouvelle la même confirmation – Viterbe, 9 décembre 1276.

  – Annibal Ceccano, Nonce apostolique accorde à l’abbé de Beaulieu, en considération des malheurs de la guerre, un délai pour payer les droits de procuration qui lui sont dus- Saint Josse 6 mai 1347. 

  Jehan de Locquinghem, bailli de l’église de Beaulieu et les francs hommes de sa juridiction prononcent le retrait d’une tenanche de l’abbaye, dont le service des rentes étéit depuis longtemps en retard de paiement 18 décembre 1362

  -Pierre, abbé de Beaulieu, nomme des procureurs pour le représenter au concile provincial de Soissons -25 juin 1455.

  – Le même prélat écrit à l’abbé d’Arrouaise, pour lui demander qu’à l’avenir, toutes les fois que son abbaye vaquera, on puisse procéder aux élections sans y convoquer l’abbé général de l’ordre –

   2 juin 1460.

  -Folquin de Boulogne, abbé de Beaulieu, trace dans une lettre circulaire le tableau des gloires et des malheurs de son monastère, pour solliciter en sa faveur la charité des âmes pieuses – 22 février 1469 –

  Philippe de Senlis, abbé de Beaulieu donne quittance des gages, pour Jehan de Senlis, son frère, porte-guidon de la compagnie de cent lances, conduite par le maréchal du Biez 4 février 1546.

  Les vicaires généraux de l’évêché de Thérouanne donnent leur approbation au contrat emphytéose par lequel Philippe de Senlis, abbé comandataire, le prieur et les religieux de Beaulieu, donnent à ferme, pour quatre-vingt-dix-neuf ans, la maison, les terres et le moulin dit des Moines, à Réty – 2 août 1550–    

  -Arrêt du parlement, rendu sur appel d’une sentence de la sénéchaussée de Boulogne, à propos d’un différend qui existait entre l’abbaye de Beaulieu et la famille des princes d’Egmont, seigneurs de Fiennes – 3 février 1570

  Sentence de l’officialité métropolitaine de Reims en faveur de RP en Dieu, Claude de la Vallée, abbé commendataire de Notre-Dame de Beaulieu, contre Nicolas de Haffrengues, curé de Rinxent, au sujet de la possession de certaines dîmes, à Hydrequent29 septembre 1574   

Un rouleau de parchemin long de 4,5 mètres conservé à la Bibliothèque de St Omer; Terrier ou relevé de tous les biens de l’abbaye de Beaulieu en 1286, constitue un des documents les plus précieux pour l’étude du Bas Boulonnais. On y voit que l’abbaye possédait plus de menues redevances que de domaines fonciers.

Cinq chartes ont été retrouvées dans le département du Loiret . Etudiées par Roger Rodière, elles ont  fait l’objet d’une publication . Il s’agit d’originaux en parchemin bien conservés, sauf les sceaux qui sont perdus. Toutes appartiennent au XIIè siècle (1227 à 1270).

  – Bulle de Grégoire IX (13 mai 1227), concédant à l’abbaye de Beaulieu le patronage de l’église de Tardinghen.

  – Donation ( juin 1234) de deux polquins de froment et six boisseaux d’avoine, mesure de Fiennes, à prendre sur Henri Misce, de Beuque[9] , plus un polquin de blé, mesure de Boulogne, à prendre à Baincthun, au lieu dit Léonis Croft. Le donateur se nomme Jean de La Pasture, de Hardinghem (Hervingehem) .

  – La charte suivante (mars 1244) émane d’Enguerrand de Fiennes, chevalier  fils de Guillaume qui précède; cet Enguerrand parait de 1235 à 1260. Il confirme, à la fois comme suzerain et comme avoué de l’abbaye, l’engagement fait par son vassal Guissin Pelet, d’une dîme sise en la paroisse de Fiennes   L’engagement est fait pour trois ans, moyennant 50 livres; si, au bout des trois ans, Guissin n’a pas remboursé l’abbaye, celle-ci continuera à jouir de la dîme jusqu’à dû remboursement.

  -L’acte qui suit évoque le souvenir des vieux tailleurs de pierre de Marquise (avril 1257).(2)-  

  -Datée de mai 1270, donation de vingt sols parisis, faite par Anselme de Raventhun, à prendre sur le tenement d’Etienne d’Epitre (de Diebriges) .

1.4 L’abbatiale

 Les nefs de l’église, une partie du cloître, le logis fortifié du prieur étaient encore debout en 1878; un propriétaire, dont je regrette de ne pas connaître le nom pour le clouer au pilori, les fit jeter bas pour se procurer des matériaux de construction – dans un pays ou la pierre est à vil prix et se ramasse à chaque pas!. Seule une petite chapelle, ou l’on enterrait les abbés commendataires avant la révolution, est restée debout, mais son toit et sa voûte sont tombés récemment, et elle sera bientôt ruinée.[10]

 A l’angle sud est, à l’extérieur et masquant presque la fenêtre de l’est, tourelle cylindrique d’escalier, ouvrant sur le dehors, assez large, l’escalier est tombé. Cette tourelle s’accolait à la grosse tour de l’église.

La comparaison des dessins de 1821 et 1873 fait apparaître que la ruine a fait de grands progrès. Aucune des grandes arcades n’est intacte. Les murs couverts de lierre offrent un aspect pittoresque. Rien d’intéressant dans les bâtiments de ferme, gros moulin à vent ou pigeonnier cylindrique.

L’église abbatiale, fut probablement bâtie vers 1150 ou 1160, dévastée en 1346 ou 1347, ruinée par les Anglais en 1390, elle ne fut jamais relevée. La nef pourtant ne disparut qu’à la fin du XIXème siècle, après 1877; il ne reste que les murs d’une chapelle latérale, oeuvre vraisemblable du XIVème siècle ou l’on enterrait les abbés commendataires. L’édifice se composait d’un chœur de trois travées, d’une nef, tous deux accompagnés de collatéraux, d’une tour plantée sur la dernière travée du bas coté Nord, enfin de la chapelle dont il subsiste des ruines

 

 

 

1.5 Une destinée contrariée dans une région frontière soumise aux guerres


 Le patronat des églises de paroisses faisait l’objet de controverses entre les différentes abbayes, alors nombreuses. En octobre 1218, Adam évêque de Thérouanne, Guillaume, de Notre Dame de la Chapelle et Gilles, abbé de Ste Marie au Bois de Ruisseauville terminent le débat entre les abbayes d’Andres et de Beaulieu au sujet de l’église de Tardinghen qu’ils attribuent à l’abbaye de Beaulieu.[11]

Beaulieu percevait quelques dîmes, peu importantes, à Caffiers, Hardinghen, Hesdres, Hydrequent, Leubringhem, Lottinghem, Wierre Effroy et Wimille. Les affaires de l’Ordre exigeant une correspondance suivie avec l’Angleterre, l’abbé Gervais d’Arroaise obtint pour lui et les siens un passage libre par le port de Wissant avec exemption du droit de tonlieu[12]. Il y eut beaucoup d’Anglais à l’abbaye d’Arrouaise, plusieurs même en devinrent les chefs. On peut imaginer que Beaulieu pouvait être une étape pour ceux-ci sur le chemin de l’Angleterre.

  L’abbé Bauduin général de la Congrégation était convaincu que le maintien de la discipline dépendait beaucoup des visites qu’il effectuait dans les  différentes maisons . Ce qui n’était pas de l’avis de quelques "filles" de la congrégation. Il s’en suivit un schisme qui prit fin en 1284 par un concordat passé le 7 novembre à Arras entre le général et les 13 abbés dissidents, parmi eux les abbés de Beaulieu et de Saint Wulmer.

Le XIIIè siècle et la première moitié du XIVe furent une longue période de paix, les villageois avaient repris l’habitude de la tranquillité. C’est alors que le souverain anglais Edouard III rouvrit le cycle des calamités . En effet,  Calais et son territoire dont la frontière était proche de Beaulieu furent sous domination Anglaise depuis le fameux siège de 1347 jusque 1558, année de sa reprise par le Duc de Guise. La localité voisine de Leulinghen fut quant à elle le siège de négociations qui se déroulèrent entre Anglais et Français de 1381 à 1400. On imagine aisément le sort de notre village positionné aux avant-poste de la zone frontière. Guerre de Cent Ans, luttes franco-bourguignonnes, franco-impériales, franco-espagnoles causèrent des ruines équivalentes à celles que les pirates scandinaves avaient jadis accumulées. Combien alors flambèrent de villages et d’édifices ?

Peu de détails nous sont parvenus de cette sombre période, on lit cependant :

" Que le monastère de Beaulieu disparut et qu’on ne le releva jamais. Il avait reçu une garnison et des fortifications et même soutenu des sièges  [13]

 En 1347, l’abbaye fut incendiée et les moines réduits à la mendicité[14] . En effet, le 6 mai, Annibal Ceccano, cardinal évêque de Tusculum, nonce du pape en France, était obligé d’accorder aux moines de Beaulieu, par une lettre datée du monastère de St Josse, un délai de six mois pour acquitter le droit de procuration qu’ils devaient au Saint Siège et dont il y avait deux années d’échues. Il est dit dans cet acte que tous les biens de l’abbaye avaient été devastés par les guerres, que leur maison avait été brûlée, et que l’abbé aussi bien que ses religieux se trouvaient réduits à mendier.

En 1372, Jean de Locquinghen, capitaine de Beaulieu est reçu à Terrouane avec deux écuyers et dix arbalétriers Le 21 juillet 1390, veille de la fête de Marie Madeleine, l’abbaye de Beaulieu fut prise et détruite par les Anglais et ne put jamais se relever de ce désastre .

Toutes ces péripéties, hormis que les temps étaient incertains, nous en disent peu sur la vie  religieuse  proprement dite, le nom, l’effectif, l’origine et le recrutement des religieux qui y vivaient. L’abbaye de Beaulieu ne semble pas avoir été un établissement considérable et on peut se prendre à rêver d’une destinée autre si la région n’avait pas connue tous les troubles de l’époque du fait de son implantation à la croisée de trois puissances qui se disputaient la région. D’autres communautés voisines connurent le même sort, Andres, la Capelle dans le Calaisis[15] .Le château voisin de Fiennes était brûlé par les Anglais en 1543. Les maisons de la congrégation situées en France et dans les Pays Bas, étaient en proie aux fureurs de la guerre et tellement ruinées que plusieurs même ne se sont jamais relevées, tandis qu’elles étaient sans religieux[16]. On le voit, Beaulieu était loin d’être un cas à part et bien longtemps après elle, d’autres abbayes subissaient le même sort.

  L’abbé de Beaulieu adresse une  supplique, le 2 Juin 1460. Il désire qu’à sa mort ou lors de la vacance de son poste, les religieux puissent procéder à une nouvelle élection sans intervention du général de la Congrégation. La raison en est la grande distance des lieux et l’état de guerre du Boulonnais et du Calaisis, les anglais ayant refusé d’accéder aux termes du traité d’Arras16

 

Il n’ y eut plus ensuite, pour succéder aux abbés réguliers, qu’un abbé commendataire qui n’y résidait pas. Seuls y habitaient un fermier et un chapelain qui s’engageait à prier pour les bienfaiteurs de l’abbaye. Les noms d’au moins vingt sept de ces abbés nous sont connus.

1.6  Trois siècles plus tard, une tentative pour faire refleurir la vie religieuse à Beaulieu.

Trois siècles après avoir hébergé ses derniers religieux, il y eut une tentative pour redonner vie à l’abbaye de Beaulieu. En 1695, l’abbé d’Arrouaise prit des informations sur les revenus de l’abbaye de Beaulieu et y envoya deux religieux, les frères Jérôme Thumerelle et Floride Delévacque . Ils doivent rétablir et prendre possession de l’abbaye ruinée par les guerres afin d’y faire refleurir la vie religieuse Ils le firent le 10 mars 1698 en vertu d’obédiences datées du 1er mars 1698. Sur le refus de l’abbé commendataire de Tagny, de les y admettre. il se pourvurent contre lui. L’abbé d’Arrouaise présenta au conseil du roi, la bulle obtenue d’Innocent XII, datée du 7 octobre1698 et conforme à la demande faite. L’abbé de Tagny s’était attaché la protection de l’ intendant de Picardie, Bignon quand celui ci fut contacté pour avis. il rendit un avis peu favorable et les lettres d’attaches ne furent point accordées. Cet échec ne déconcerta point l’abbé Hatté. En 1700 il accordait au frère Guillaume Henegan la permission de s’établir à l’abbaye de Beaulieu avec quelques confrères irlandais afin d’y vivre selon lea règle d’Arrouaise. Ce projet n’aboutit pas et l’abbé fut forcé d’abandonner ses vues sur Beaulieu. Le dernier abbé fut Marcellin du Peloux de Villette, vicaire général de Vienne. Il fut nommé par le Roi le 27 septembre 1789, ( Bulle de Rome étant datée du 18 octobre)à la suite du décès du sieur Molen de Mons[17].  La prise de possession eut lieu le 11 décembre 1789, il était déjà tard. Le bénéfice fut supprimé l’année suivante.

 


[1] D Haigneré / Mémoires de la société Académique  tome 13/ Bulletins de la société académique tomes 7 et 10.

[2] R. Rodière / Bulletins de la société académique tomes 7 et 10.

[3] Rappelons qu’il existait à Fiennes un château que fit construire Eustache II , comte de  Boulogne, à la frontière du comté de Guines. Ce fut une des quatre châtellenies du Boulonnais, propriété de la famille de Fiennes dès 1100 . Dans cette puissante lignée de seigneurs on rencontre  notamment Guillaume qui se battit à Bouvines et  un connétable de France, Robert de Fiennes. Le château fut détruit en 1320 et brûlé en 1543 par les Anglais

[4] Cette abbaye a complètement disparue au début du XIXè siècle. Son emplacement se signale par d’élégants alignements d’arbres. Il ne subsiste que quelques épaves e mobiliers et œuvres d’art dans l’église du village. Située au sud de Fruges et au nord du champ de bataille d’Azincourt; à proximité, se trouve le lieu de sépulture d’environ 5800 combattants de la bataille qui eut lieu le 25 octobre 1415.

[5] Autre abbaye de la région, Andres fut fondée en 1080 par Bauduin comte de Guines, et détruite par les anglais en 1352. Elle dépendait de celle de Charroux dans le Poitou.

[6] Revue du Nord 345-346- tome 84- Avril / septembre 2002 – Bernard Delmaire-. L’abbaye d’Arrouaise eut comme premier historien son dernier prieur dom Antoine Gosse, qui publia en 1786 à Lille, chez le libraire-imprimeur Léonard Danel, une histoire de l’ordre, enrichie de précieux documents. Ce livre a été réimprimé en 1972 par la société archéologique de Bapaume, avec une plaquette historique par Ludo Milis.

[7] Doudeauville, au sud de Desvres, était un petit établissement, probablement érigé vers 1142 et détruit par les guerres du XVIè siècle. On peut y ajouter, pour le Boulonnais, Zantevelt ( St Inglevert ), hôpital entre Guines et Wissant bâti par un nommé Oilard de Wimille, chevalier. Il fut donné aux chanoines d’Arrouaise en 1132, pour qu’ils y établissent un monastère. Des difficultés survenues par la suite entre les chanoines et les frères lais, forceront les premiers à retourner à Arrouaise. L’hôpital abandonné aux frères, retomba dans le même état d’ou il avait été tiré.  (Dom Gosse

[8] Archives municipales de Ferques

[9] Pierre Héliot / les églises du Moyen-Age.

[10] C. Enlart /V.J Vaillant / Epigraphie.

[11] Manuscrit 1067 Bibliothèque de St Omer.

[12] Tonlieu = Droit de péage et de marché au Moyen-age.

[13] V.J Vaillant / L’année boulonnaise.

[14] « ancien titre de parchemin que nous n’avons pû lire sur lequel est attaché un petit billet qui dit que cette abbaye a été brulée en 1317, les moines réduit à la mandicité "  lors de l’inventaire par la municipalité de Ferques, le 23 septembre 1790 . ( MS 1019 Bibliothèque de St Omer. et AM Ferques) .En fait, au XVIIe, il a été lu et inscrit à tort l’année 1317. il s’agit bien de 1347.

[15] au sud de Marck, , fondée par Ide, comtesse de Boulogne et mère de Godefroi de Bouillon; celle ci également fondatrice du prieuré du Wast. L’abbaye de La Capelle, ordre de St Benoît fut fondée en 1091, ruinée en 1347, les moines se retirèrent à l’abbaye de St Jean de Mont près Thérouanne. 

[16] Dom Gosse / Histoire de l’abbaye d’Arrouaise.

[17] Sr Molen de Mons abbé commendataire de Beaulieu, il était également archidiacre et vicaire général de la cathédrale de St Flour, capitale de la Haute Auvergne.

2 réponses à to “L’ABBAYE de BEAULIEU”

  • merci pour ce texte sur cette abbaye
    que j’ai bien longtemps chercher
    bonne suite JMA

  • DELATTRE Michel:

    Si cela vous intéresse, j’ai dans ma généalogie un couple de LATTRE Guillaume – GROUX Jehanne dont une petite fille Marie établit un contrat de mariage le 26-01-1697 rédigé comme suit :  » Marye DELATTRE fille à marier de desfunt honorable Guillaume DELATTRE et Magdeleine GODEQUIN assisté de Mtre Jean DELATTRE prestre desservant l’abbaye de Beaulieu son frère aîné … de Mtre Philippe DUHAMEL (?) seigneur abbé de (?) et de Beaulieu  »
    Et le fils de l’un de nos ancêtres d’une branche annexe : BUTOR Jean décédé en 1736 était Prêtre, Chapelain de l’Abbaye de Beaulieu

    Cordialement

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