Histoire de la pêche à Wissant
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Le 07 novembre 1889, le conseil municipal adopte un vœu demandant au gouvernement de la République la création d’un petit port de pêche:
« le port de Wissant, si florissant jusqu’au XVIème siècle, a entièrement disparu et s’est formé dans son emplacement une baie de deux kilomètres dans les terres et s’étendant du Cap Blanc-Nez au Cap Gris-Nez.. De cet état de choses, il résulte que nos bateaux de pêche au nombre de trente environ, faisant vivre une population maritime de quatre cents habitants, ne peuvent échouer que par le temps le plus calme, et qu’ils sont obligés pour reprendre la mer de bouter à bras leurs bateaux: besogne épouvantable qui fait de nos marins de vrais esclaves et leur occasionne des frais et une perte de temps considérables, ou bien d’aborder au port de Calais où ils ont des frais de logement et de nourriture qui les ruinent et les oblige le plus souvent à laisser leurs femmes et leurs enfants dans une affreuse misère. La petite pêche côtière souffre de plus en plus et se trouve constamment plongée dans le dénuement le plus absolu ».
En 1860, sur 95 bateaux de pêche armés au quartier de Calais, 20 pratiquent la pêche du maquereau et du hareng, il s’agit de petites embarcations du syndicat satellite de Wissant.
Entre 1854 et 1880, la propriété des bateaux de pêche évolue beaucoup: à Wissant, sur 27 embarcations armées, deux sont la propriété de l’écoreur et aubergiste Duval; et une à l’écoreur calaisien Everaert, les autres sont la propriété des patrons, seuls ou en association. Tel n’était pas le cas en 1855, lorsque la propriété de la flottille était partagée entre écoreurs et patrons de pêche.
La période 1897 – 1914 est caractérisée par le déclin des armements traditionnels et la mécanisation de plus en plus importante des bateaux.
Du côté du syndicat satellite de Wissant, c’est la stagnation complète, le maintien de la taille minuscule des embarcations dont le tonnage moyen varie de 5 à 10 tonneaux ne fait que répondre à la stagnation des techniques. Les petites embarcations à clins utilisées sur ces plages restent soumises aux contraintes les plus dures de l’échouement. De plus, les naufrages en série de 1893 et 1895 viennent briser à Wissant un certain élan qui portait les écoreurs à multiplier la taille des bateaux par deux.
Les disparités sont très grandes entre le revenu brut des marins de Calais et ceux du satellite du quartier maritime. En 1901, il est de 2 158,55 francs à Calais et de 305,40 francs à Wissant, considéré comme le village le plus pauvre du littoral. En 1897, l’enquêteur de l’assistance médicale gratuite estime que le revenu hebdomadaire d’une famille se composant d’un marin et d’une matelote est de 5,25 francs alors que leurs dépenses domestiques s’élèvent à 11,25 francs. C’est uniquement grâce à la charité, aux pensions de demi-solde et aux invalides qu’on supporte la misère à Wissant. Les fondateurs de la station balnéaire, fabricants de tulle comme Robert West ou artiste en villégiature comme les peintres Virginie Breton et Adrien Demont, contribuent au maintien de la population maritime.
Ces « marins des champs » représentent une part de plus en plus importante des équipages (27 à la veille du premier conflit mondial).
Certains machiniers emploient des équipages composés de « Wissandois » très expérimentés pour la pêche aux cordes qu’ils pratiquaient sur leurs petits bateaux de plage.
Il se maintient dans le village une misère endémique, c’est un facteur défavorable à l’innovation puisque l’écorage à l’ancienne se justifie toujours au regard des frais de gestion des embarcations.
C’est, de toute façon, le patron qui décide en premier lieu des enrôlements sur son bateau, s’il est originaire du site, le recrutement a lieu sur place parmi sa parenté.
Le monde de la pêche est particulièrement miséreux à Wissant. Jusqu’en 1914, un système de secours alimentaire suppléait les pêcheurs ne pouvant sortir en mer à cause du mauvais temps. L’activité de la pêche côtière est en déclin très net à partir de 1900. Des pêcheurs embarquent sur les bateaux de pêche industrielle à Boulogne ou vont s’installer à Calais, les conditions de vie y étant bien meilleures.
Pendant la Première Guerre Mondiale, un regain d’activité est constaté (besoins de la population aidant), puis une rechute, accentuée par la crise économique de 1930 ; une autre augmentation est constatée pendant la Seconde Guerre Mondiale puis à nouveau le déclin jusqu’à l’arrêt presque total : un seul pêcheur de nos jours (M. Malfoy)
Une autre activité est celle de la pêche à pied. Elle est pratiquée par ceux qui n’ont pas les moyens d’armer un bateau, par ceux qui n’ont pas trouvé place à bord des flobarts et par ceux qui ont cessé leur activité (cette pêche leur permet de survivre)-
Le règlement des « affaires maritimes » désignait par tirage au sort les affectations sur les rochers à moules où la cueillette était autorisée.
Si le monde de la pêche et celui des agriculteurs sont forts distants l’un envers l’autre, jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, des travaux agricoles étaient cependant effectués par des marins et surtout par leurs femmes pour survivre (le travail des betteraves, notamment), ce qui a valu l’appellation de «marins des champs». D’autre part, les marins avaient parfois besoin des chevaux des fermiers pour tirer ou remettre à l’eau les bateaux de pêche (lors des réparations, par exemple).
Le poisson pêché localement a toujours était livré par les épouses des pêcheurs aux clients des villages voisins et aux agriculteurs (amateurs de poissons « sans arêtes » tels que le Saint-Pierre).
Appelée également « pêche fraîche », elle dure au maximum la journée. Le bateau utilisé est le flobart: c’est un bateau à clins, formé de planches de bois d’orme se recouvrant les unes les autres. Sa coque ventrue, son fond plat, sa dérive mobile et escamotable lui permettent de s’échouer plus facilement sur une plage sableuse comme l’est celle de Wissant, et de tenir la mer par tous les temps. Plusieurs types de bateaux sont utilisés au début du XXème siècle: ceux pontés pour la pêche au hareng ou au maquereau, avec des filets dérivant avec le courant, et des flobarts armés de cordes. L’équipage était composé de 5 à 6 hommes.
Ces bateaux disparaissent progressivement dans les années 1920, ils sont remplacés par des flobarts de taille plus réduite, la ligne de flottaison étant marquée par la limite entre les couleurs inférieures. La motorisation se fait progressivement à partir des années 1950.
En automne, les bateaux sont désarmés pendant une semaine pour entretien. Ils sont boutés à la laisse de pleine mer et surélevés sur des baux (planches)- il s’agit de refaire les enduits protecteurs, le vieux goudron est brûlé à l’aide de paille placée sous la coque. Après avoir fait fondre le goudron neuf (coaltar), dans une « caudrière » (grand chaudron), ils en badigeonnent la coque.
La pêche est sévèrement encadrée pendant la Seconde Guerre Mondiale, une autorisation est obligatoire, un soldat accompagne les pêcheurs sur un chemin non miné et dans le bateau, les poissons sont vendus prioritairement à la Kommandantur.
Jusqu’au milieu du XXème siècle, elles prêtent main-forte à leurs maris, aident à la préparation des filets (elles nettoient les cordes avant de les haquer) et à l’armement des bateaux et donnent un coup de main pour traîner les bateaux jusqu’à la mer : elles placent sous le bateau des blots (pièces de bois ayant une entaille au milieu pour recevoir la quille) enduits de graisse ou d’argile.
Au retour, elles aident à l’échouage du bateau, à le vider, à remonter les paniers d’osier remplis de poissons. Ensuite, elles partent à pied dans les villages environnants pour vendre le produit de la pêche.
Le long des plages sableuses, un métier essentiellement féminin s’est créé: les verrotières, qui consiste à capturer des vers de sable, excellent appât pour la pêche aux cordes. A marée basse, les petits tortillons de sable sont repérés et, à l’aide d’un « palot » (longue pelle au fer court), ils sont fouillés afin de prendre promptement l’arénicole, il est alors « ébrodé » (vidé), afin d’en assurer la conservation quelques jours. A défaut de vers, l’appât est remplacé par des équilles (petites anguilles de sable), des hénons (coques), des déchets de poissons ou des morceaux de foie provenant de la boucherie.
La pêche à la roussette nécessite d’amorcer les lignes avec des équilles à marée basse ; les pêcheurs, la « braque » entre les jambes, marchent à « reculons » le plus souvent le long d’un œillet (ruisseau qui va de bâche en bâche vers la mer), pour les attraper plus facilement.
Elle est réservée aux marins retraités, veuves de marins et aux infirmes. Une autorisation est obligatoire, le garde maritime indique les places à occuper. On trouve donc des parcs à côte : filets montés verticalement sur des perches en bois pour permettre aux poissons de rentrer et de se faire prendre à marée descendante dans les mailles des filets dont les dimensions sont réglementées.
Cette pêche ne rapporte que de légers bénéfices. D’autres types de pêche à pied sont également utilisés :
– la pose de lignes de fond sur le sable (constituant un danger pour les marcheurs) ;
– la senne ou cibaudière: filet garni dans le haut, sur toute sa longueur, de flotteurs, et dans le bas lesté de plombs. Le filet est maintenu par deux filins enfouis dans le sable, il se soulève avec la marée et se rabat sur les poissons quand la mer descend.
Contrairement à ce qui se passe sur les autres ports de pêche côtière de la Côte d’Opale, ce sont les matelots et non les matelotes, surnommées les « sautrières », qui vont pêcher la crevette.
L’haveneau (filet) sur les épaules et le panier en osier dans le dos, une bonne heure avant l’étal de la marée basse, ils se rendent sur la plage. Une fois le filet monté sur son immense cadre de bois, ils s’enfoncent dans les vagues jusqu’à la ceinture et poussent parallèlement au rivage leur filet, la hampe calée au creux de l’épaule. A intervalles réguliers, ils le relèvent, mettent les crevettes grises frétillantes dans le panier d’osier et enlèvent les algues. Jusqu’en 1939, ils s’éclairaient la nuit avec un fanal fabriqué par eux ou acheté (boîte en bois entourée de verre comportant une bougie en son milieu).
Nombreux sur le littoral à la fin du XIXème siècle, et notamment sur les bancs de sable en face de Wissant (Banc à Laine), ils constituent un grave préjudice pour la pêche. En 1898, une pétition est adressée à M. le Commissaire de l’inscription Maritime pour demander leur destruction. En 1902, les torpilleurs de la défense mobile de Dunkerque sont autorisés à les détruire. En 1905, les réclamations des pêcheurs, des chasseurs et du curé de la paroisse ont conduit à l’intervention d’un torpilleur pour détruire une colonie de phoques causant des ravages importants parmi les poissons, quiavait élu domicile sur un banc découvrant aux basses mers de vive eau (sans grand résultat selon le journal « le phare calaisien », édition du 25 août 1905). La même année, le ministre de la Guerre accède à la demande du Conseil Général d’envoyer des tireurs des garnisons de Boulogne et Calais pour les détruire.
En 1907, le curé de Wissant, M. l’abbé Defosse, lance un appel pressant aux chasseurs dans la revue « Le Grand Saint Hubert Illustré ».
A la fin du XIXème siècle et jusqu’à la guerre de 1914 – 1918, les bateaux wissantais échoués à l’embouchure du ruisseau d’Herlen sont démolis, les débris sont étalés le long du chemin qui mène à la mer, une vente aux enchères a lieu :
– les grosses pièces trouveront amateurs parmi les gros fermiers des environs pour clôturer des pâturages ou faire des hangars ; le menu bois servira au chauffage.
Les matériaux nobles sont réutilisés pour la construction de nouveaux bateaux à Boulogne, pour usage de piquets de pâture ou bois à brûler, les plus belles pièces étant parfois utilisées à la construction de maisons dans le village (constatation d’un architecte local).
Outre le très faible coût de la main-d’œuvre, cette activité permettait de donner un peu de travail aux miséreux.
Merciii d’avoir posté cette info !